PRESS-BOOK 1895

Publié le par LAURENCE NOYER

Pierre Veber : Le Gil Blas, 11 mars 1895 « X… roman impromptu » « Au roman qui paraîtra dans les derniers jours de ce mois quelques mots d'explication sont nécessaires. Il est temps de dire aux lecteurs de ce journal ce que sera l’X [...] roman impromptu par les humoristes G. Auriol, Tristan Bernard, Courteline, Jules Renard et Pierre Veber. Les humoristes ci-dessus (dont l'éloge n'est plus à faire puisqu'ils s'en sont chargés à plusieurs reprises), ces humoristes pensèrent qu'il serait bon de relever le niveau littéraire des lecteurs de romans. Ils imaginèrent d'écrire en collaboration un roman dit impromptu sans plan préconçu, sans sujet arrêté. Le Gil Blas voulut bien accueillir cette initiative, qui n'a d'autre précédent que la Croix de Berny. Il fut convenu que l'on tirerait au sort les noms des cinq auteurs, afin d'établir l'ordre dans lequel ils se succèderaient; chacun devait écrire un feuilleton faisant suite à celui qui le commandait. Le premier de la liste donnerait le titre du roman et le personnage qui, seul, fût invulnérable (précaution qui assurerait un semblant d'unité à l’œuvre). Le sort établit la liste suivante: Pierre Veber, Jules Renard, Tristan Bernard, Georges Courteline, Georges Auriol. Le roman commencé comprendra 30 à 35 feuilletons, chaque feuilleton sera signé. Toute modification des personnages est autorisée, sauf la modification de sexe. Il est permis de tuer ceux qui déplaisent (à l'exception de X [...]). Il est également permis d'en introduire d'autres, même s'ils s'ils ne prennent aucune part à l'action. Ladite action peut-être transportée dans toutes les parties du monde; en pareil cas, il importe de prévenir le lecteur, qui ne se méfierait pas, par quelques phrases explicatives. Donc, résumons nos intentions: nous voulons faire du roman feuilleton une chose purement mécanique, simplifiant le travail par la division. En même temps, la coopération au travail, ainsi qu'aux bénéfices, éminemment socialiste, est d'un exemple excellent pour nos confrères. Nous espérons que notre initiative aura contribué du moins à ranimer l'esprit de corps qui tend à disparaître de plus en plus chez les littérateurs. Il se peut que le roman ainsi composé soit d'une sottise navrante, il se peut (et nous l'espérons) qu'il soit au contraire, d'une gaieté parfaite; il aura du moins l'attrait de l'imprévu aussi bien pour nos lecteurs que pour nous-mêmes. On nous permettra de présenter les cinq auteurs, par ordre alphabétique. L'auteur de Poil de Carotte et de L’Écornifleur est grand, solide, roux, flegmatique, concis; un front inquiétant et comme enceint; des yeux qui vrillent. Il créa vraiment un "sourire nouveau"; le sourire pincé, mais pincé jusqu'au sang. Il saisit les petits gestes qui révèlent les grosses canailleries, et les pauvres attitudes des vices féroces; il guette les moindres grimaces du snobisme, avec l'âpreté d'un observateur susceptible qui prendrait pour autant de reproches directs les manifestations des travers d'autrui. C'est ainsi qu'il veut qu'on le dise "le bon écrivain" par excellence. Sa vie n'offre pas grand intérêt; il s'est toujours gardé d'accomplir des actes qui tombent sous le coup des lois, tels que l'attaque à main armée, le vol avec effraction et l'attentat à la pudeur. Il est tout entier dans ses livres et n'a vécu que la vie de ses imaginations. Il tire remarquablement de l'épée; mais c'est mesure préventive aussi bien contre l'obésité que contre la malveillance. Bref, dans les lettres, dans la vie et sur la planche, Jules Renard a une excellente position." Citons encore de lui les Coquecigrues, la Lanterne sourde, Le Coureur de filles (Flammarion, et Ollendorf, éditeurs). »

Lucien Muhlfeld : La Revue Blanche, 15 mars 1895 « chronique de la littérature » « Pour ne parler que des romanciers, que des prosateurs de fiction, il est fou qu’on ne connaisse pas davantage ni Elémir Bourges, ni Jules Renard ni Alfred Capus… mais Renard sûrement, sans doute Capus, et peut-être Bourges l’auront cette gloire méritée, sinon ambitionnée. C’est affaire de temps. Nous sommes quelques-uns à les aimer mieux que les autres, et à le répéter… »

Publié dans X… roman impromptu

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