Henri Austruy : La Nouvelle Revue, 15 juin 1933 « Monsieur Vernet »

Publié le par LAURENCE NOYER

Henri Austruy : La Nouvelle Revue, 15 juin 1933 « Monsieur Vernet » « Monsieur Vernet fut joué pour la première fois sur la scène du Théâtre Antoine le 6 mai 1903. Voici ce que nous écrivions ici même à son sujet. Monsieur Vernet n’a pas changé. Ce que nous pouvons en penser non plus. M. Vernet est un brave homme de commerçant retiré des affaires après fortune faite et vit aux côtés d’une délicieuse et fidèle épouse. Le seul vice que nous montre M.Vernet est sa passion pour l’escrime : en dehors de son foyer et de la salle d’armes, il ne rêve rien au monde ou plutôt si, ce brave homme a une faiblesse : son goût et son respect pour les artistes. Déjà il a introduit chez lui un jeune peintre qu’il a été obligé de mette à la porte parce qu’il a fait la cour à la délicieuse madame Vernet. Cette aventure ne le rebute pas puisqu’il accueille à bras ouverts un jeune homme, M.Henri Gérard, qu’il a connu à la salle d’armes. Le bon jeune homme ne tarde pas à faire connaître sa profession : il est poète. Ce titre lui attirera la sympathie de Madame Vernet. Il devient le familier de la maison. M. Vernet a pour lui une grande affection et quand le jour du départ pour le ménage pour la mer arrive, la séparation est cruelle, si cruelle que M. Vernet propose à son ami de les accompagner. Après quelques façons faites pour donner plus de prix à son acceptation, Henri Gérard boucle sa valise et part avec les Vernet. Henri Gérard est-il exactement de près ou de loin le personnage de l’Ecornifleur ? Il est dans tous les cas très réussi et le succès qu’a remporté la pièce de Jules Renard est rarement aussi mérité. Monsieur Vernet est une remarquable peinture de mœurs : Doucement, traitreusement, pourrait-on dire, otus les gestes des personnages, chacune des leurs paroles concourent à un ensemble parfait et sans faiblesse. C’est du théâtre et du meilleur. M.Antoine incarne à merveille ce caractère du « bourgeois » qui devine qu’il y a ici-bas des joies intellectuelles auxquelles il n’a pu gouûter. Il n’y a qu’à voir la pieuse déférence qu’il montre à l’endroit du volume de vers que lui offre Henri Gérard. Ce « bon M. Vernet » sent alors qu’il n’est pas poète ; mais il aime les belles choses. C’est sa façon à lui d’être artiste et c’est en s’excusant d’être forcé de faire violence à un poète qu’il confesse à Henri Gérard que sa présece est désormais impossible, car ce brave homme a un culte, sa femme, qu’il veut garder pure de tout soupçon. Il écarte le poète  comme il a écarté le peintre, l’année précédente, sans colère, sans récrimination, comme s’il trouvait naturel un hommage, même criminel, à la beauté de Mme Vernet, que personnifiait à merveille Mlle Cheirel, douce compagne d’un homme bon et droit. M. Signoret joua avec son habituelle intelligence le personnage d’Henri Gérard… Transporté sur la vaste scène de la Comédie Française, Monsieur Vernet n’a rien perdu. Il est admirablement joué par Mme Dussane, remarquable de naturel et d’humanité ; par M. Bruno, plein de rondeur et de solide bonhomie : par M.Bertin, dont le jeu un peu artificiel prouve un artiste déjà rompu à son métier. Mme Fonteney s’est taillée un vif succès dans le rôle un peu caricatural de la vieille fille acariatre. Les costumes de l’époque, juste trente ans en arrière, mettent la salle en joie. Que les modes sont donc ridicules quand elles ne sont plus d’actualité ! »

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