Groupe d’Émulation Artistique du Nivernais 1960 : en hommage à Jules Renard

Publié le par LAURENCE NOYER

Groupe d’Émulation Artistique du Nivernais 1960 : en hommage à Jules Renard  Sommaire : Le Tacot (texte de J.R) – Les arbres Nivernais vus par Jules Renard par le docteur Louis Tixier – Au Pays de Jules Renard par Léandre Vaillat – La première inauguration du Monument de Jules Renard à Chitry (5 octobre 1913)  par Henri Chomet – Souvenirs par Irénée Mauget.

Extrait : J’ai connu Jules Renard au début de ce siècle, à un déjeuner chez Tristan Bernard. J’avais été introduit chez l’auteur de Triplepatte par une lettre cordiale du jeune Sacha Guitry. A ce déjeuner assistait Alphonse Allais… l’esprit a baissé en France ? Hélas !... Je ne vois pas qui, parmi nos illustres contemporains, pourrait tirer un pareil feu d’artifice ! Les mots de Tristan Bernard ? Si je les avais notés, il y en aurait un gros volume… Dits d’un air sombre, ils s’échappaient de sa barbe noire comme des éclairs. Alphonse Allais lançait aussi des boutades irrésistibles d’un air presque glacé. .. A ce déjeuner, ce fils de la Seine Maritime émit cette idée : « Tous les toits de Paris devraient être transformés en terrasses qui seraient autant de petites prairies où brouteraient nos bonnes petites vaches normandes. On aurait ainsi à domicile du bon lait frais et chaud pour son petit déjeuner du matin. » Jules Renard lui, ne faisait pas de mots. Sa conversation, calme, serrée, un peu aigüe, ressemblait à son style, il y avait un fond plutôt mélancolique… sa cordialité était discrète. On sentait l’ami sûr, aux pensées profondes, sous l’humour. Au déjeuner, cet anticlérical – non violent – affirma : « La Bible est le plus beau livre du monde » Je le revis, pour la première fois, un peu avant sa mort, dans son très modeste appartement de la rue du Rocher, à deux cent mètres de la gare Saint Lazare. Il sentait sa fin prochaine, il me le laissa entendre. Je lui demandai l’autorisation de jouer son Poil de Carotte à mon théâtre Sous-Bois de Marnes-la-Coquette, avec le jeune Henri Rollan comme interprète. « Avec plaisir, me dit-il, mon cher Mauget ; Suzanne Desprès fut un admirable Poil de Carotte, mais j’ai écrit ma pièce pour un interprète masculin. » Il m’accompagna jusqu’à son étroit palier donnant sur un petit escalier. Je ne devais plus le revoir (Le groupe de Nevers 1960, Irénée Mauget, Souvenirs, page 53)

 

Je suis allé au pays de l’homme qui a écrit : ‘’Je ne pense qu’à mon petit village et toutes mes racines sont là-bas. Où est-il ce petit village ? Dans le nivernais, aux confins de ce Morvan au sol de granit, d’où Vauban partit modeler la frontière française. Il a été maire de Chitry, ses parents y habitaient ; il dort au cimetière ; il y a sa statue. Le château n’était pas pour lui un motif d’architecture, mais d’exécration. Il ne le regardait pas, il le guettait. Il nourrissait contre lui une haine du même genre que celle d’Eugène le Roy, dans Jacquou le Croquant. Cependant, au fond de lui, en veilleuse, tremblait une faible lueur de respect dans la manière paysanne ; il raconte qu’entendant venir derrière lui la voiture de « M. le Comte », il mit précipitamment dans sa poche un numéro de L’humanité qu’il lisait, et en évidence, le journal bien pensant. Le mieux, c’est qu’il l’avoue, et c’est à son honneur. Je tiens d’un châtelain des environs cette anecdote, qui n’est pas dans son Journal. Cet excellent homme, qui étant allé le voir à la Gloriette, l’invita gentiment à lui rendre visite. Mme Jules Renard, qui était l’affabilité même, répondit sans hésiter « avec le plus grand plaisir » ; mais son mari, s’interposant : « Pardon, c’est moi qui décide les déplacements dans cette maison. Et moi je n’ai pas d’auto » Il eut fallu si peu de chose pour éviter le malentendu ! (Le groupe de Nevers 1960, Léandre Viallat, Au Pays de Jules Renard, p 37 et 38)

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