LUNE

Publié le par LAURENCE NOYER

" Il ne me semble point inutile de rapprocher, de deux levers de lune de Chateaubriand et de Flaubert, un lever de lune de Renard. A cinquante année de distance l'un de l'autre, ils sont significatifs.

En 1800, Chateaubriand:

La lune se montra au-dessus des arbres, à l'horizon opposé (Voyage en Amérique)

Sa lumière gris de perle descendait sur la cime indéterminée des forêts (Atala)

En 1850, Flaubert:

La lune, toute ronde et couleur de pourpre, se levait à ras de terre, au fond de la prairie. Elle montait vite entre les branches des peupliers qui la cachaient de place en place, comme un rideau noir, troué (Madame Bovary)

En 1900, Renard:

La lune se lève... Elle monte légère parmi les arbres. Ils vont la toucher du bout de leurs pointes, l'accrocher au passage. Mais elle glisse, leur échappe, et verse devant elle, pour annoncer sa venue, une lueur claire comme un flot de petit lait (Bucoliques)

Après les grandes lignes du romantisme de Chateaubriand, le détail du réalisme de Flaubert, voici le menu détail du contre-réalisme de Renard: " le bout de leurs pointes". Tout le secret de la saveur de ses descriptions, de ses images, est là. Cela paraît tout simple, mais il fallait casser l'oeuf par le bout."

Henri Bachelin, novembre 1907 (Mercure de France)

Publié dans Poésie, style

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