PRESS-BOOK 1892

Publié le par LAURENCE NOYER

Rodolphe Darzens : La Petite République Française, 7 février 1892 « l’Ecornifleur » «Le roman que vient de terminer M. Jules Renard, ou je me trompe fort et ne suis qu’un imbécile, dénote la plus rare acuité d’esprit, le plus personnel talent : il place, tout de go et sans conteste, son auteur au rang des écrivains nettement originaux d’aujourd’hui, en fait l’égal de nos maîtres… je veux clamer que M. Jules Renard est un grand et véritable écrivain, et je veux le faire l’un des premiers afin qu’il ne soit pas découvert un beau matin, trop tard, par un journaliste en pénurie de copie…le rapproche de Vallès, relève un don de raillerie à l’emporte-pièce, de cruauté dans l’observation allant jusqu’au cynisme… on voit dans ce livre, par moments, la sincérité de l’aveu,… la véracité de la confession. »

René Maizeroy (signé R) : Gil Blas, 10 février 1892 « l’Ecornifleur » « Des cheveux roux, tels que le poil rude d’un fauve. Une figure morose, inquiète, silencieuse, comme dégrossie à la serpe dans une racine de buis. Le front démesuré, saillant, la mâchoire carrée, avec, aux joues, des rouffeurs de barbe. Les lèvres minces, pincées, qui semblent ne sourire qu’à regret. Assez grand, n’a aucun souci des choses extérieures, du dandysme, et rappelle certains portraits de Rochefort quand il était encore rond-de-cuir à l’Hôtel de Ville. Un des plus talentueux parmi les jeunes. Publie aujourd’hui son second volume : l’Ecornifleur, une œuvre bizarre, violente saturée d’ironie amère, et où apparaît un véritable et robuste tempérament d’écrivain. De ceux dont il faut dire : à suivre »

Paul d’Armon : Le Public, 10 février 1892 « L’Ecornifleur » «Diderot a créé un type prodigieux de parasite. « vous savez » dit le personnage qu’il a mis en scène dans son libellé fameux, « que je suis un ignorant, un sot, un fou, un impertinent, un paresseux, ce que nos Bourguignons appellent un fieffé truand, un escroc, un gourmand. » Un romancier satirique, M. Jules Renard, a reconnu à ce signalement, parmi nos contemporains de la dernière débarquée, un arrière-petit-fils de Rameau. Il nous le présente sous cette épithète si pittoresque et si malheureusement tombée en désuétude : L’Ecornifleur, dans un livre où son talent d’observation s’est dépensé en humour, en rosseries, en méchanceté froide… Aucune tirade philosophique ou morale. L’Ecornifleur se raconte dans une autobiographie d’une contexture amusante où les dialogues succèdent aux récits. Il ne nous cache aucune tare. Il met son âme à nu, gaiement… le cynisme énorme est un procédé de satire. Il signifie que M. Jules Renard partage l’avis de ceux qui dénomment l’époque où nous vivons, parmi tant de financiers imbéciles, l’âge du muff.»

Willy : La Capitale, 27 février 1892 « l’Ecornifleur » « C’est souvent du Vallès sans les couplets de bravoure, la patauderie, la grosse cordialité qui rendent si insupportable l’inventeur du genre : c’est du Vallès dégraissé. »

René Emery : La Fin de Siècle, 27 février 1892 « l’Ecornifleur » «Cela, conté avec une verve hautement gouailleuse, d’une si précise observation, forme un tableau très intense, un de ces intérieurs à la Teniers qui sont de réelles et formidables caricatures. »

Gustave Geffroy : « l’Ecornifleur » (Archive non trouvée)

Léon Deschamps : La Plume, 1er mars 1892 « Petits portraits » « Blond, timoré, cruel, l’allure d’un écolier timide ou d’un fumiste expert, déconcerte par ses réparties – on ne sait jamais : parades, ripostes ou attaques. L’amabilité triomphant, soudain on diagnostique : Naïveté… et l’on se trompe. Humour et fantaisie. A créé un type : Poil de Carotte, pantin mécanique avec lequel il expérimente sur ses contemporains et mesure la bêtise bourgeoise. Poète, se gausse des autres ; nouvelliste, son ironie fait saigner sans que l’on voie la plaie : romancier, procède par touches assemblées ; le triomphe du pointillisme en littérature, l’impressiono-psychologie. Au Mercure de France, fournit la note gaie, le Flaubert décadence, le Stendhal pincé de sourires – si Beyle eut été, comme Renard aimé pour lui-même. Riche, n’est jamais amer ; pauvre, serait peut-être… sulfate de magnésie ! Son geste embarrassé d’enfant battu qu’un regard affectueux encourage décèle une jeunesse sombre si sa tenue correcte et son maintien select dénoncent un gentleman – français – qui hors la gloire, n’attend plus rien de la vie. Son talent incontestable l’a désigné d’avance aux acclamations : chronique au Gil Blas, à l’Echo de Paris, au supplément du Figaro ; pique quelques bruyères dans les feuillets du Mercure et, annuellement, vient rire à la Plume ; entre temps, fournit Ollendorf ou Lemerre. Son petit dernier, l’Ecornifleur, en est déjà au dixième mille. Sera, si les confrères lui prêtent vie, le Zola de l’édition future. Pour ce faire devra se guérir des (à lui indispensables) saisons de paresse, souffler à la centième page (et non à la troisième) : s’en excuse en affirmant que lorsqu’il retourne à ses bonshommes, en a peur, comme de morts qu’il faut trainer derrière soi, - ou d’une maîtresse avec laquelle on doit renouer – alors qu’elle serait devenue grand-mère. Nom à retenir, auteur à assurer – cœur d’ami que ne saura point aigrir la gloire. »

Henri Spont (alias Georges d'Esparbès): Le Boulevard, 1er mars 1892 A propos de Sourires pincés et de l’Ecornifleur « Dès l'abord, l'air d'un monsieur pincé qui a bu du verjus et qui se défie. Cause peu, écoute par l'œil, qui semble, même perdu sous les paupières, dilaté comme certains yeux de reptiles. Une barbe maigre et dure, d'un or mat, allongée en langue d'aspic. Un front bombé, dont la boursouflure puissante écrase l'arcade sourcilière comme si, follement curieuse et voulant immédiatement frémir aux moindres impressions de la vue, la pensée avide les attendait, gîtée au-dessus du regard, une griffe sur les deux trappes. Douceur, impassibilité, méfiance, voilà la triangulaire et intellectuelle beauté de ce visage, dont les lignes suent l'idée comme certaines murailles secrètent le salpêtre. « Un Rochefort blond », me disait quelqu'un. Douceur, ai-je dit, une douceur ennemie du « sensible », qui ne se traduit jamais en plaintes, mais dans le frémissement dont vous enveloppent une fois lues, les pages de pitié qu'elle a fait écrire. L'auteur a mis sur pattes un bambin morveux et taciturne au « petit cœur gros », souffre-douleur de deux vieilles bêtes, et dont la frilotante vie se passe à rafraîchir ses joues, chaudes de soufflets, à oublier injures et injustices, et qui harcelé par grand frère et petite sœur, tournant ses yeux de moinillon vers quelque bonheur inconnu, fait soupirer dans nos mémoires ce doux vers de Verlaine : L'espoir luit comme un brin d'herbe dans l'étable. Ce petit Poil de Carotte, en quelques petits bouts de réponses et deux ou trois tristesses, le voilà créé de manière à faire sentir, sous ce duvet fin qu'on peut coucher d'une haleine, le héros ou le gypaëte qu'en fera plus tard la Société. C'est un rêve que M. Renard caresse de continuer, dans un cadre de bataille, la vie de cet enfant souffrant. À côté de lui, dans ce premier livre où plane singulièrement quelque chose de sa personne et à qui, inconscient peut-être, il a donné le nom de « sourires pincés », expression familière à sa figure, - l'auteur nous montre, après les coups de bistouri de l'énorme Balzac et les prodiges de l'appareil à glace de M. Bourget, comment se meuvent et essaient de penser les véritables gens du monde. Ces cinquante lignes sont un chef d’œuvre de fin langage et de pénétration. Il y aurait encore fort à dire sur les autres parties du livre, et surtout sur quelques bruyères dont les idées de haute plaine ont bien cette virginité de plantes solitaires poussées toutes sans greffe, sans culture, un peu désolées de n'avoir connu qu'un passant. Ces bruyères-là sont bien à M. Renard. Lui seul est entré dans la lande. Le beau succès qu'ont eu ces flottantes études dans le courant de l'année obligeait M. Jules Renard à nous donner l'œuvre substantielle, le roman. Il vient de paraître, et déjà le monde lettré s'en émeut. Il a pour titre l'Écornifleur. C'est le passage dans une famille bourgeoise, d'un de ces hommes construits de grisaille et qui ne font aucune ombre sur le mur de la vie. Cette existence de pique-assiette à demeure est un amas de petites combinaisons non-préméditées entreprises tout à coup et mourant d'elles-mêmes, - brins d'idée qui surgissent en nos esprits, dans la rue, au hasard de la vision, hérissés d'infiniment petits, et crèvent aussitôt nés, comme des bulles, au premier vent du trottoir. Ces idées s'accrochant entre elles au fur et à mesure de leur venue, spontanément mises en jeu par un oisif dans l'espoir d'une subsistance, luttant pour lui donner le pain, le rôti, le dessert et aussi….l'amour, sans qu'il ait à faire aucun effort de volonté sont la gloire de ce livre et laisserons à M. Renard la réputation de s'être seul intéressé à l'un de ces individus sans relief, sur la vie desquels, et bien à tort, notre observation ne s'était jamais dirigée. Il faut lire cette œuvre, elle comptera. »

Willy : Le Nouvel Echo, 1er mars 1892 « l’Ecornifleur » "Ce jeune homme, nullement intrigant, devient l'ami des Vernet, cossus bourgeois quadragénaires, rénove leurs conversations, anime leur vie, se laisse emmener à la mer, s'occupe des bagages, dirige la conscience littéraire de madame, dit quelques impertinences, écoute de monsieur la relation d'imaginaires équipées, fait des vers, les récite, joue avec la nièce de ses hôtes, lui apprend à nager, la viole à demi, et, comme il était déjà un peu l'amant de madame, et qu'il n'a pas le goût des grandes situations, il part, regretté de tous. L'Écornifleur, dont l'affabulation importe peu, est écrit en cinquante-cinq laconiques chapitres ; récit à la première personne, interrompu par des dialogues disposés comme dans les brochures de pièces. Le ton : un assez joli cynisme, une drôlerie aiguë et brève, un pince-sans-rire très travaillé. - Myriade de natations ténues, caractéristiques toujours. Style net, preste, maigre, auquel s'incorporent jovialement les idiotismes du langage familier. Un peu de Vallès. Des paysages en trois mots. Des silhouettes, celles, si l'on veut, de ces marins « cuivreux, avec des barbes comme des herbages »... « sous leurs capotes enduites d'huile cuite »... « trempés et laissant, les bras écartés, s'égoutter leurs doigts. »

Edmond Lepelletier : L’Echo de Paris, 1er mars 1892 « l’Ecornifleur » « Des notes sur les faits et gestes de Monsieur Vernet, sur ses goûts, ses habitudes, ses préjugés : tel est l’Ecornifleur de M. Jules Renard. Et ces notes sont rédigées en phrase courtes, hachées, effilées comme des pointes d’aiguilles trempées dans une ironie qui rappelle celle de Swift »

Rachilde : La Plume, 1er mars 1892 « l’Ecornifleur » « Si je n’étais l’un des plus ancien camarade de Jules Renard, je voudrais être son ennemi pour pouvoir, d’une acerbe façon, dire tout le bien que j’ai à dire de lui, et il me plairait de mettre ce jeune dompteur de fauves cérébralités en présence de son œuvre à faire et de l’œuvre qu’il fera. Mais à quoi bon disserter d’avance, comme le veulent certains serruriers, sur le travail de la serrure, au lieu de prendre tout naïvement le plaisir de constater que la porte est ouverte ? En très modeste lecteur, je préfère, de beaucoup offrir ici, avec ingénuité, mon impression féminine, qu’aucune question de boutique ou d’école ne préoccupe. La donnée de l’Écornifleur est d’une limpidité merveilleuse : un honnête garçon d’écrivain, bien portant, s’introduit dans une famille de la bourgeoisie honnête et bien portante, et il y commet de demi-fautes, de demi-crimes, de demi-indélicatesses. J’insiste sur la qualité de santé de ces héros, parce qu’à mon point de vue c’est là le trait génial de l’œuvre ; il ne s’agit ni d’exception intellectuelle ni d’exception physique : on est tout le temps dans la vie normale. Seulement ici règne la littérature, troubleuse d’âme, et là domine la douce bourgeoisie, la tant douce bourgeoisie gangréneuse de chair. Le jeune homme de lettres, transplanté dans le milieu calme d’une villégiature à la mer, ne tarde pas à entamer successivement toutes ces parts de paradis terrestre, l’amitié, l’amour, et il s’en retourne ayant écorniflé, en amour comme en amitié, sans grande joie, sans grand succès, ne gardant qu’un goût de fiel, ni très digne, ni très coupable, mais nous représentant presque photographiquement cette inouïe canaille qu’on appelle communément, à vue de nez, un honnête homme. L’auteur n’a pas plus exagéré dans le fond que dans la forme ; il a tiré, d’une main experte et ferme, la grosse écharde, nous a montré le trou saignant d’un air goguenard, en disant : “Voyez ! Ça n’est pas malin !” Et c’est pour cette extraordinaire sincérité que son livre me semble une œuvre géniale. Qu’il en soit de mieux faits ou de plus hautains, j’en conviens ; mais il n’en est guère de plus humains dans le détail, de plus absolus comme navrante réalité de l’intime. Jules Renard vous montre la laideur qu’il est presque inutile de montrer, ce qui ne vous apprend rien au sujet des procédures criminelles ou des violents désespoirs d’amour, mais ce qui vous renseigne joliment au sujet de la manœuvre terre à terre des bas instincts journaliers : il présente un Monsieur très bien, que nous estimons tous, le miroir magique, et nul doute qu’il crèverait, ce Monsieur, comme le basilic, en apercevant sa propre image, si la pudeur était encore de notre siècle. Le style de Jules Renard, quoique se jouant dans les paillons du paradoxe, est net, uni, froid. Si j’osais me permettre d’inventer à mon tour une école, je dirais qu’il est automatique car il me semble qu’en pressant un ressort une petite roue d’acier grignotante se mette à virer, découpant la phrase, la glissant sur le papier avec des arêtes aiguës malgré une contexture toujours égale. Par exemple, quand il n’y a plus d’idées, la roue s’immobilise et, ô bonheur, ne tourne jamais à vide. L’automatisme de Jules Renard ne peut pas s’imiter parce qu’il faudrait avoir à son service ses idées à lui, ses idées bizarres, et des idées pareilles ne sont familières, qu’à très peu de gens. Ainsi, les jeunes badauds de lettres accourus à l’illumination subite de son palais, plus pour y dérober des bouts de chandelles que pour y applaudir, ne sauront pas, je l’espère, se faire avouer le secret professionnel. Il sera difficile d’accuser Renard de ne pas savoir, cependant au juste ce qu’il machine et menuise, accusation que l’on porte toujours, parmi les artistes de talent, contre les artistes de génie les instinctifs, les impulsifs ; l’auteur de l’Ecornifleur sait, au contraire, trop bien ce qu’il fait puisque pincé par l’engrenage du détail il oublie souvent le morceau principal et a une vague envie de le jeter au diable. Sertisseur de méchanceté en chambre, il a vendu son âme au sorcier, s’est coupé les ailes, pour fouiller, à la loupe, les infiniment petites scélératesses… et comme mystère de l’absolu littéraire est encore à découvrir, rien ne nous empêche de supposer qu’il trouvera le reflet de tout un monde dans la circonférence d’un bouton de culotte, ou le type d’une génération d’avenir dans le bulbe d’une racine de cheveu. Il ne nous éblouit pas par de prestigieux exercices de langue auxquels nous ont habitués quelques perroquets à perchoir branlant ; il est français, tout plein français, sans pointe d’exotisme : il écrit spontanément, selon le soleil ou la pluie, est une véritable force de la nature, jaillit paisiblement, comme une source sulfureuse, à la fois saine et empoisonnée. ».

Lucien Priou : Le Phare de la Loire, 2 mars 1892 « l’Ecornifleur » « M. Jules Renard ne relève d’aucune école. Il est surtout psychologue, et un psychologue désespérant, c’est-à-dire qu’il est passé maître dans l’art d’analyser les sentiments et d’en montrer l’envers, la mesquinerie, le ridicule, les contradictions grotesques. Il est encore, si vous le voulez bien un classique. Avec lui, point d’exubérance, de développements oiseux et inutiles au développement logique des caractères ; point de ces interminables descriptions dont les jeunes raffolent parce que, s’il est difficile de composer un livre, il est toujours aisé, dût-on s’aider de dictionnaires techniques, d’enlever brillamment le morceau.»

Armand Charpentier : La Revue des Journaux et des Livres, 5-12 mars 1892 «l’Ecornifleur » « Livre aimable, d’une gaieté de bon aloi, semé de fines observations, mais n’ayant aucune prétention de chef d’œuvre. Hé ! Hé ! Sait-on jamais ? »

Georges Docquois : Art et critique, 12 mars 1892 « l’Ecornifleur » (Archive non trouvée)

Paul Gaulot : La Chronique Parisienne, 13 mars « l’Ecornifleur » « La forme du livre est curieuse. Ce sont de courts récits entrecoupés de dialogues, qui semblent des reproductions minutieuses d’exactitude, de conversations en apparence banales, mais prises dans leurs traits caractéristiques avec un soin très heureux… Si ce livre n’est point à mettre entre les mains des jeunes filles, il est de ceux dont on doit conseiller la lecture aux esprits curieux de choses nouvelles et fortes. »

Arthur Roguenant : La Revue de l’Evolution sociale, scientifique et littéraire, 15 mars et 15 avril 1892 « l’Ecornifleur » (Archive non trouvée)

B-H.Gausseron : L’Art et l’Idée, 25 mars 1892 « l’Ecornifleur » «Le talent très personnel de M. Jules Renard, où les anglais reconnaîtront quelque chose de leur humour et où nous distinguons une ironie froide qu’alimente sans cesse la vue nette des ridicules et des malpropretés de la vie courante, a trouvé là un cadre à souhait pour se développer. Le style est, comme la pensée, lucide, tranchant, volontiers cruel. Mais on aurait tort de croire à de la sécheresse et à de l’insensibilité. Ce sarcastique sait émouvoir, et j’imagine que la dureté de son ironie est en raison directe de son effort à refouler en lui les mouvements de l’enthousiasme ou de l’indignation. »

Aurélien Scholl : L’Echo de Paris, 25 mars 1892 « l’Ecornifleur » «Jules Renard qui a rendu à l’Ecornifleur son rang à la langue française. Un bijou cet Ecornifleur : lisez le ! »

Marcel Schwob : Le Mercure de France, 25 mars 1892 « l’Ecornifleur » » «Cet être m’apparaît nettement dans l’Ecornifleur de Jules Renard. Je ne ferai point de louanges à Renard pour sa forme ni pour son style, ni pour la nouveauté des expressions ni pour de délicieuses eaux-fortes telles que la description de ce prêtre mouillé qui frappe à une cabine… Assez d’autres lui parleront demain de l’originalité, de la simplicité, de la force de sa langue. Je voudrais marquer ici brièvement le sens que j’attache à l’Ecornifleur et à sa singulière perversité. L’Ecornifleur est un jeune homme dont le cerveau est peuplé de littérature. Rien pour lui ne se présente comme un objet normal. Il voit le XVIIIème siècle à travers Goncourt, les ouvriers à travers Zola, la société à travers Daudet, les paysans à travers Balzac et Maupassant, la mer à travers Michelet et Richepin. Il a beau regarder la mer. S’il aime il se rappelle les amours littéraires. S’il viole, il s’étonne de ne pas violer comme en littérature ; sa tête est pleine de fantômes. Il apporte ces fantômes dans un ménage bourgeois. Jamais il ne sera au niveau de ce ménage, ni le ménage au sien. Il veut intéresser des gens qu’il voit déformés, et il les déforme pour les obliger à l’intéresser. Il se doit à sa littérature de traiter le mari en Homais, la femme en Mme Bovary, et de violer la nièce par un beau jour d’été. Entre temps il vit aux crochets de la famille – car l’Ecornifleur est pauvre de nature. Mais la volonté manque à ses créations. Il est encore trop lui-même. Il a pitié et peur du mari. Le baiser soudain de la femme l’effare, et il se sent dans une action réelle sans soutien littéraire. La jeune fille forcée pousse des cris, souffre, se lamente – et les fantômes de son cerveau n’étaient pas ainsi. L’Ecornifleur cède devant lui-même ; il ne sait pas réaliser dans la vie les êtres fantastiques qui ont poussé dans sa tête : il faut qu’il attende le jour où sa volonté formée les projettera dans l’art. Un pouce de plus à son vouloir et c’est Chambige. Un pouce de moins, et c’est Poil de Carotte. Un peu plus d’énergie dans l’action et il est criminel. Un peu moins d’intériorisation, et le pauvre enfant se plaint de ne pas être compris. Et comme ce roman est bien celui des crises ! L’être fantastique conçu par l’Ecornifleur est arrivé à sa pleine croissance : il voit la femme qu’il se doit d’aimer ; il va descendre à sa chambre, au milieu de la nuit : déjà elle a les jambes levées. Mais l’aventure ne se produit pas ; la femme ne l’attend pas – elle dort – les portes seront fermées – l’Ecornifleur sera pieds-nus et ridicule…. Ainsi la perversité de l’Ecornifleur ne va pas jusqu’à pousser ses fantômes dans la vie, ni son esthétique à se contenter de les créer dans l’art. Il est heureusement égoïste. Il se rencontre sur son chemin et recule. Il n’a pas encore pour ses créations assez de pitié pour se soumettre à elle, et souffrir pour qu’elles vivent. La littérature a fait naître des êtres terribles dans les chambres secrètes de son cœur et de son cerveau. Mais il est devenu poète ; et dans ce livre il a tenu jugement sur lui-même »

Revue Chimère, avril 1892 « l’Ecornifleur » (Archive non trouvée)

Eugène Tavernier : Les Annales Gauloises, avril 1892 « l’Ecornifleur » «Ecrit dans la méthode des derniers naturalistes, ne sera sans doute pas mis dans toutes les mains, mais il intéressera tous ceux qui considèrent comme de solides qualités l’observation exacte, la nouveauté des comparaisons et le style à l’emporte-pièce concis pictural… »

Camille Auclair : Essais d’Art Libre, 22 mai 1892 « l’Ecornifleur » «Jules Renard apparaît si sincère dans ses revendications d’homme contre la vie qu’une sympathie soudaine m’est venue pour lui, alors que m’avaient inquiété ses tendances de foi unique dans ce qu’il nomme le réel. Les âmes meurtries sont toujours attrayantes : celles qui choisissent l’ironie pour voile de leur réserve triste le sont plus encore : celle de M. Jules Renard est telle »

Francisque Sarcey : L’Estafette, 22 mai 1892 « l’Ecornifleur » « Un roman bizarre qui ne commence ni ne finit, qui procède, comme le Voyage sentimental de Sterne, par tableaux détachés où il y a un peu de tout….L’auteur s’observe sans cesse et rit de lui-même et des autres. Il excelle, comme Alphonse Karr du reste, à croquer d’une façon comique les détails de la vie ordinaire. C’est un livre fort triste, sous son apparente et fausse gaité…un livre, même qui est souvent déplaisant. Mais, tel qu’il est, il marque chez celui qui l’a écrit une horreur méritoire de la banalité, une curieuse recherche du rare et du singulier…. Il ne m’étonnerait pas que l’auteur devint quelqu’un. »

Le Gaulois, 20 juin 1892 « l’Ecornifleur » « Très original, très spirituel et bien écrit, ce roman dialogué arrive jusqu’à l’inconvenance et jusqu’à la peinture du vice sans aller jusqu’au vice. C’est à se demander si l’immoralité franche ne vaudrait pas mieux que ces peintures de tentations auxquelles résiste mal un saint Antoine de Montmartre, un moraliste qui est presque un Alphonse. »

Lucien Muhlfeld : La Revue Blanche, 25 juin 1892 « l’Ecornifleur » « L’Ecornifleur est un roman nouveau, et c’est déjà extraordinaire. C’est un récit que nous n’avions pas lu, en substituant Pierre à Paul et Perret à Delpit. C’est un sujet frais, c’est-à-dire un mode neuf de situation vraie et connue, avec son expression littéraire conformément inédite. M. Henri écornifle le bonheur des ménages où il pénètre ; ni par passion, ni par sensualité, mais par la force des choses, par crainte d’être impoli. Une telle situation est parente de celles où tour à tour s’amusèrent Droz, Gyp, Lavedan. Mais elle n’est pas traitée avec esprit. Il n’y a pas de mots, ni de drôlerie d’écriture. C’est de l’ironie sentimentale ; point un récit sentimental dont on relève la fadeur par des plaisanteries passementées ; au contraire, un roman léger et ironique, avec les repos mélancoliques d’un esprit un peu clairvoyant qui se lasse de plaisanter. Aussi bien l’homme (l’écornifleur) vivant en société, généralement à l’ironie de l’un correspond la naïveté, la peine ou l’ahurissement des autres. Il y a le farceur et ses victimes. Ce n’est jamais comique des deux côtés. Et dans ce roman la drôlerie du côté face et l’amertume du côté pile se correspondent et se complètent merveilleusement. Jules Renard est l’écrivain le plus preste et du plus sûr talent qui soit issu des jeunes revues depuis quelques années. C’est presque avec une joie professionnellement égoïste que nous disons sa louange.»

Paul-Napoléon Roinard : Essais d’art libre, juillet 1892 « l’Ecornifleur » (Archive non trouvée)

Byvanck : De Gids, juillet 1892 « l’Ecornifleur » (Archive non trouvée)

Jules Hoche, Bibliothèque des auteurs modernes « Confession d’un homme de lettres » (p 139) (Archive non trouvée)

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