Félix Duquesnel

Publié le par LAURENCE NOYER

~~Félix Duquesnel : Le Gaulois, 3 mars 1900 « Poil de Carotte » (théâtre) « Poil de Carotte est un acte déjà populaire avant sa représentation sur un théâtre régulier pour avoir été joué un peu partout, sur les scènes d’exception et avoir obtenu un grand succès en librairie. C’est ému, touchant, réel, fait de rien, mais de vérité poignante. C’est un petit tableau de chevalet exquis, comme M. Jules Renard excelle à les peindre. Poil de Carotte ainsi nommé parce qu’il a la tignasse rousse, est un pauvre diable de Cendrillon mâle, au teint transparent, grêlé de taches de rousseur, c’est l’enfant méprisé, celui qui n’est pas aimé par sa mère, pauvre souffre-douleur résigné qui accepte tout jusqu’au jour où, par hasard, il ose parler doucement à son père, sans se plaindre d’ailleurs, et où il découvre qui celui-ci n’est guère plus heureux que lui, martyr silencieux depuis des années de l’humeur acariâtre de la mégère. Et les deux êtres, qui se comprennent enfin, se consolent entre eux, et se reprennent à la patience de la vie, qui leur devient plus douce et meilleure, quand ils ont conscience de l’affection qui les unit ; c’est délicieux de détail, ciselé de main d’ouvrier ; c’est l’œuvre parfaite, sinon le chef-d’œuvre, comme le sont ces tableaux des petits maîtres qui font bonne figure au Louvre, à côté des toiles de grande dimension. Ici, par exemple, l’interprétation est tout à fait complète, vivante, d’un naturel, d’une précision, d’un dessin, que je ne saurais trop louer : Antoine est, de tout point, vrai et réel, dans le rôle de M. Lepic, le père contenu, brusque, mais, au fond de cordiale bonté, dont le cœur engourdi se réveille par la révélation d’un amour paternel qui ne se connaissait pas. – Mme Suzanne Desprès, une comédienne singulière, que j’estime beaucoup, parce qu’elle n’est jamais banale et toujours intelligente, est exquise de comique douloureux, d’indifférence émue, dans le rôle de Poil de Carotte, où tout chez elle est si harmonieux, si étudié, que le travesti disparaît, et que la femme transformée devient le gamin désespéré qu’est le personnage : accent, gestes, regards, en elle, tout est nature. – Mme Ellen Andrée a la sécheresse nécessaire de la mère bigote, impérative et malfaisante, et Mme R. Maupin trace une jolie silhouette de servante de campagne, en rupture d’Angélus »

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