RENARDSAMAIN

Publié le par LAURENCE NOYER

LETTRE DE RENARD ADRESSEE A ALBERT SAMAIN LE 12 DECEMBRE 1898

Paris

... Je suis très peiné de ne pas vous avoir envoyé les Histoires naturelles mais cet oubli n'a aucun sens. Chaque fois que je vois paraître un livre, j'entre dans une telle détresse, que tout m'est égal. Dernièrement, pour les Bucoliques, j'ai supprimé, d'un trait, le service de presse... Albert Samain votre livre va rester longtemps sur ma table, et chaque fois que mes yeux le verront, je l'ouvrirai, comme un homme qui n'est pas musicien, mais qui a besoin de rêverie, promène au hasard, pour entendre de beaux sons, ses doigts sur un piano.

REPONSE D'ALBERT SAMAIN LE 14 DECEMBRE 1898

Mon cher Renard, merci d’abord de votre lettre si exquisément cordiale. Merci de vos Histoires Naturelles, que nous m’avez envoyées si promptement, et que je suis heureux d’avoir. J’en avais lu déjà, quand elles ont paru ; mais je viens d’en « picorer » à nouveau quelques-unes ce soir, et j’ai l’esprit tout imprégné de leur saveur, et tout excité de leur surprenant imprévu, d’images, de leurs étonnants raccourcis, de leur précision parfaite, avec ce filet d’ironie – zest de citron, trille de fifre – qui laisse après lui les papilles si étrangement frémissantes. C’est la perfection : je vous l’ai déjà dit, votre style, où l’on ne trouverait pas l’ombre d’un cliché, et qui se crée lui-même, - images, tons, métaphores, - de toute pièce, donne à l’esprit la sensation, - comme dirai-je ? D’un pays tout neuf, où par une nouvelle disposition par un nouveau jeu de lumière, on croirait voir pour la première fois les bêtes, les arbres, les plantes. Ou bien encore, à cause de la netteté de vos découpures et du relief merveilleux de vos petits détails, d’une nature regardée à travers le cristal éclatant d’une épaisse lentille. Tout cela n’est pas très cohérent, mais je m’efforce de résoudre pour moi-même les éléments d’une sensation tout à fait curieuse, que seul vous me donnez. Je partage tout à fait le regret que vous exprimez de ne pas nous voir plus souvent ; mais cela, c’est la vie de Paris, et je vous serre, mon cher Renard, bien amicalement la main. »

Publié dans correspondance

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