ROLL

Publié le par LAURENCE NOYER

Maximin Roll : Comoedia, 12 mars 1909. A propos de la conférence faite par Renard à l’Odéon sur le Mariage de Figaro. « Jules Renard n’avait jamais encore pris la parole à l’Odéon. Il l’a dit au début de sa conférence et des notes parues dans divers journaux – et dans Comoedia aussi, naturellement, - nous l’avaient appris avant qu’il nous en fit l’aveu de vive voix. Pour un débutant, l’auteur de Poil de Carotte a fait preuve d’une belle assurance et d’une surprenante autorité. Non seulement, il n’a pas imploré l’indulgence du public mais il a sermonné les spectateurs avec une audace et un esprit qui ont, à la fois, déconcerté et ravi son auditoire. Habitué assidu et consciencieux des jeudis classiques de l’Odéon, M. Jules Renard a profité de ce qu’il se trouvait de l’autre côté de la rampe pour dire leur quatre vérités à des voisins ordinaires ; il leur a tracé d’eux-mêmes un portrait d’une ressemblance absolue, où l’observation précise se mêlait à la plus amusante ironie. Ce fut un régal d’entendre le juge et de regarder les accusés. L’un, étonnant pince-sans-rire, les autres ébahis et égayés, ne se demandant même pas s’ils devaient ou non se fâcher, très certains que ce qu’ils avaient de mieux à faire était de comprendre, de retenir et d’applaudir. M. Jules Renard en ayant fini avec les abonnés, ses frères s’en est pris à M. Antoine. Rassurez-vous, il l’a couvert de fleurs, et c’est assez dire qu’il lui a rendu pleine justice. Il n’a point passé sous silence les défauts du directeur de l’Odéon, ce qui eut été maladroit et inutile, puisque M. Renard s’adressait à un public qui voit M. Antoine à l’œuvre et est parfaitement en état de le juger et de l’apprécier d’après ses actes mêmes. Quand le conférencier, faisant allusion aux bruits qui courent au sujet du départ possible de M. Antoine pour l’autre rive, s’est écrié : « Nous ne lui permettrons pas de nous quitter. Nous l’avons et nous le garderons ! » Les bravos sont partis de tous les coins de la salle. Et Beaumarchais ? Et le Mariage de Figaro ? M. Jules Renard nous en a entretenus également, mais pas bien longtemps. Sur ce point, nous n’avons pas eu la quantité, mais nous avons eu la qualité, ce qui vaut infiniment mieux, vous en conviendrez. M. Renard a traité Beaumarchais un peu comme il avait traité M. Antoine. Il n’a rien caché de son admiration pour cet homme extraordinaire, mais il n’a point parlé uniquement de ses qualités. Des anecdotes, des mots, de courtes définitions, des aperçus profonds sous une forme simple, un évident souci de la phrase bien faite voulant dire exactement ce qu’elle devait dire, sans pédantisme, comme sans vain souci de l’harmonie trop cherchée. Pas de gestes. Une physionomie calme, froide même. Une diction claire, très nuancée, très habile et pour terminer… quatre vigoureux rappels. Au total, un grand succès. M. Jules Renard a brillamment « débuté » et son coup d’essai fut un coup de maître. »

Publié dans MARIAGE DE FIGARO

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