FRESNOIS

Publié le par LAURENCE NOYER

André du Fresnois : Revue Critique des Idées et des Livres, 10 juillet 1910 « Le talent de Jules Renard consiste avant tout dans la nouveauté de l’expression. Jules Renard est maître absolu des mots qu’il emploie. Ils se lient, en un faisceau serré, aux sensations ; sensations visuelles le plus souvent. Le regard de Jules Renard, plutôt qu’il n’embrasse la réalité, la perce à la façon d’une vrille. L’accord de la forme avec la pensée est ici tellement strict que l’on reconnaît, rien qu’à l’œil, une page de cet écrivain, comme sur une cimaise le tableau exécuté selon la recette « pointilliste ». Il ne compose pas ; il juxtapose. Cela l’amène généralement à écrire autant de phrases qu’il a d’impressions à rendre, mais chacune de ces phrases en miniature est logiquement composée, le mot ne fait pas de pied de nez au sens ; et ce procédé choque moins que les contorsions auxquelles les Goncourt condamnent, pour les rendre expressives, leurs périodes désarticulées. Si la nature n’est plus seulement, dans les livres, un thème de déclamation, nous le devons pour une grande part à Jules Renard. Il a su la regarder sans en être ébloui, s’y promener sans tomber à chaque pas dans le délire panthéiste, en parler sans emphase. Il ignore la stupeur qui envahit le boutiquier parisien dès qu’il passe les fortifications. Il aime la campagne avec familiarité, un peu à la manière des paysans qui vivent d’elle et ne songent guère cependant à chanter ses louanges. Il ne la revêt pas des couleurs de l’imagination ; il s’applique à la peindre minutieusement telle qu’elle est, car c’est la réalité qui l’intéresse, et non pas son imagination. Quand elle est laide, il raille. Quand elle est belle, il laisse entendre, sans entasser d’inutiles épithètes, qu’il l’a trouvée belle. »

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