NION

Publié le par LAURENCE NOYER

François de Nion : L’Echo de Paris, 22 octobre 1909 « La Bigote » « On peut s’étonner seulement qu’un écrivain distingué comme Mr Renard consente à devenir le grand veneur de l’anticléricalisme. On a servi de l’anticléricalisme, - comme on dit à l’hallali, - on nous l’a servi aussi ; mais j’avoue que, de tous les personnages de ces deux actes, c’est celui qui m’a paru le plus sympathique et le moins « raseur ». Il y a là une vieille bête tout confit d’esprit combiste, qui s’efforce, pendant une longue scène, de dégouter et d’écarter un prétendant que sa fille aime et qui mérite de l’être en lui ressassant de vieilles récriminations sur l’immixtion du confesseur dans le ménage. C’est sans doute d’une observation « aiguë », - comme on dit, - mais, si j’avais été le prétendant, au lieu d’un spectateur par devoir, - je me serais délibérément enfui devant l’ennui. Ce n’est pas à dire pour cela que la pièce manque d’esprit ; il s’y trouve des mots amusants ; j’en veux épingler un ici, malgré son quasi-cynisme : « s’il est douloureux d’être trompé par une femme qu’on aime, ce l’est bien plus encore de ne pas l’être par une femme qu’on n’aime plus. » Notez que c’est absolument faux, et que l’amour n’a rien à voir dans ces affaires ; mais le trait a du piquant. Après ce que je viens de vous dire, vous connaissez la Bigote. Un père libre penseur hait sa femme et sa fille qui fréquentent l’église. Un prétendant se présente, prêt à tout accepter ; M. Lepic lui fait un cours sur les dangers de l’ingérence du clergé dans les familles. Le prétendant continue à prétendre… J’ai noté une jolie scène, naturelle et enjouée entre le père Lepic et une amie de sa fille, Madeleine. M. Bernard dessine un Lepic d’une admirable vérité ; sale grossier et suffisant. Il m’a semblé voir défiler un cortège d’hommes politiques. C’était prématuré ; mais M. Lepic sera ministre, et celui qui l’incarna est un comédien d’esprit. M. Desfontaines figure un amoureux timide intelligemment composé, et toutes mes sympathies ont été à M. Bacqué, représentant très dignement le curé. Mme Mellot est agréable et touchante en jeune fille battue de l’oiseau, - j’allais dire de l’oison, - et qui se voit balancée entre deux volontés opposées ; Mme Kerwich esquive presque toutes les difficultés de son rôle, et Mlle du Eyner serait agréable, si elle parvenait à modérer les gestes de ses bras. Mme Barbieri a gravé sobrement une dure et sincère effigie de vieille quémandeuse. »

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