MARTIN DU GARD

Publié le par LAURENCE NOYER

M. Martin du Gard : Les Nouvelles Littéraires, 10 juillet 1933 « Monsieur Vernet » « Un jeune poète, Henry Gérard, ni beau ni laid, ni enthousiaste, ni ironique, médiocre avec quelque bonne grâce, et pas méchant, quoique bien capable, comme beaucoup de braves gens, d’une petite vilenie – ce personnage a été admirablement composé par M. Signoret – devient le commensal, au bord de la mer, de M. Vernet, à qui Antoine n’a pas donné, me semble-t-il, une physionomie bien précise : et M. Vernet, en même temps qu’une fille adorable – c’est Mlle Miéris, - a une femme charmante – c’est Mme Cheirel, délicieuse comédienne heureusement évadée du vaudeville. Naturellement, le poète fait la cour à la charmante bourgeoise, et le bourgeois ingénu, doux et bon, marierait sa fille avec le poète. Celui-ci n’aura ni l’une ni l’autre. Ce sont d’exquises scènes, et presque épouvantes, celles où Mme Vernet, sans dureté, si simplement, avec peut-être un regret tendre, éloigne le très hésitant séducteur, pas bien entreprenant, qui consent tout de suite à ne pas insister ; où la jeune fille à marier plus adorable d’être pus gaiement gamine, ne tient pas du tout à retenir le fiancé auquel elle n’a jamais pris garde ; où M. Vernet , seul, a quelque chagrin du poète qui s’en va, et garde comme une déception en retrouvant son honnête et paisible bonheur pour un instant troublé par un pauvre idéal qui passe. La Comédie Française a eu tout à fait raison d’inscrire ce chef-d’œuvre au répertoire. C’est une pièce d’un petit esprit qui en dépasse de grands, un écrivain qui est un des plus assurés de survivre, de toute son époque, le style le plus net, le plus naturel au théâtre. Elle n’est pas d’une originalité fracassante, sa pièce, on en a écrit des centaines de ce modèle. Mais il n’y en a pas de plus parfaite dans le genre. Attendrissante, et certes beaucoup plus attendrie que les œuvres habituelles de Renard, elle ne sombre à aucun moment dans l’artificiel et le convenu. Tous les mots portent, mais pas un mot plus que l’autre, pas une bavure, pas un trou, l’humanité moyenne admirablement saisie avec ses qualités, ses défauts, ses faibles élans. Dans Monsieur Vernet, on retrouve ce personnage aigre-doux, qui se venge à tout moment de la vie, caractère au vinaigre, pincé, exaspérant : la sœur de Mme Vernet, celle qui n’a pas réussi, celle qu’on n’a pas épousée par amour, sœur de Mme Lepic dans Poil de Carotte. Tous mes compliments à Mme Fontenay. Mlle Cavé, dans le rôle de la nièce, exagère le coté niais et aguicheur, je conçois que Pierre Bertin, (le poète)n’hésite pas à fuir, Mlle Cavé a le temps de singer les petites filles, elle n’est pas encore sociétaire, elle n’a pas besoin de rajeunir. »

Publié dans Monsieur Vernet

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