SILENCE

Publié le par LAURENCE NOYER

" Ce qui surprend dans l'oeuvre de Jules Renard, c'est la pesanteur du silence. Les personnages qui ont le plus de caractère, s'affirment surtout par leur silence. " Se taire ! Ah ouiche! Est ce qu'elle pourrait, elle en serait morte." (Crime de Village) . C'est ici une vive attaque de ceux ou celles qui parlent trop et qui gênent les autres par leur excès de langage, telle madame Lepic dans Poil de Carotte. " Il ne pensait pas à grand chose et écoutait la voix de crécelle des rainettes qui chantaient dans les buissons d'alentour et troublaient seules le grand silence". C'est le grand silence que l'on trouble car c'est dans ce grand silence que l'on peut méditer, réfléchir. Le silence est aussi révélateur: " Ils parlaient peu, mettant de longs intervalles entre leurs phrases, comme pour examiner à leur aise la portée de chacun". On s'exprime mieux lorsque le silence a enveloppé les hommes et les femmes et c'est seulement au bout, à la fin, d'un long silence que l'on peut enfin libérer la parole, celle-ci paraissant emprisonnée dans le silence. " Les femmes demeuraient silencieuses, très intéressées, les yeux fixés sur eux et le menton dans le creux des mains" De fait si l'on parle trop il arrive un moment où la parole elle-même se tarit. "Bientôt ils n'eurent plus rien à se dire" (Flintage) . Dans le Retour "Les femmes assises sur le seuil des portes lui sourirent sans rien dire" . Rarement chez un auteur le silence a eu cette vocation à exprimer les choses. Nous avons tous tendance à considérer que c'est la parole qui permet le mieux la communication entre les hommes. Pas pour Jules Renard qui élève le silence à la hauteur d'un vecteur de communication exceptionnel. " Extrait de "La vie brisée de Jules Renard" de Julien Molard

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