PRESS-BOOK 1897 LE PLAISIR DE ROMPRE

Publié le par LAURENCE NOYER

Henri Fouquier : Figaro, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » […] Ce petit marivaudage moderniste, fin, joli, ému, d’une verve personnelle, a été enlevé à ravir – faut-il le constater ? – par Mlle Granier et M. Mayer. Nous aurons, je suppose, le plaisir de le retrouver ailleurs, car le succès de ce « rien » a été tout à fait charmant. »

Max Maurey : Le Jour, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

J. Gascogne : La Libre Parole, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Le pompier de service : La Paix, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

J. Lecoq : La Patrie, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Henri Céard : Le Matin, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Dans le spectacle donné hier par les Escholiers se trouve un chef-d’œuvre en un acte… Le chef-d’œuvre, c’est le Plaisir de Rompre, de M. Jules Renard. M. Maurice et Mme Blanche, à l’heure des désabusements, sont devenus des amants reposés. L’amitié, chez eux, l’emporte sur l’amour tellement que, sachant la vanité des liaisons irrégulières, quand Maurice a parlé d’épouser une jeune fille, Blanche ne l’a pas détourné de ce projet. Même, il a fait pour lui, chez les fournisseurs d’élégances et de fleurs, les petites commissions dont un homme s’acquitte d’ordinaire si mal. Maternellement, elle veut que l’amant qui la quitte ait bonne figure mondaine devant sa fiancée… commencée dans la gaieté, la rupture s’achève quand même dans la tristesse, et c’est le charme infini de la comédie de M. Jules Renard, que son ironie a toujours d’exquises larmes dans les yeux. On connaissait l’auteur de l’Ecornifleur comme un écrivain d’une rare acuité d’esprit et de style. Dans le Plaisir de rompre, à ses mérites naturels et reconnus, il a ajouté cette qualité nouvelle et imprévue : l’émotion, et sa pièce a été triomphalement accueillie. Elle a d’ailleurs jouée avec une rare perfection par M. Mayer et Mlle Granier. Eux aussi, par l’interprétation de l’acte de M. Jules Renard, ont fait leur chef-d’œuvre de justesse et de sensibilité.»

Richard O’Monroy : Gil Blas, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Pour finir Plaisir de rompre; un petit bijou de dialogue à deux, signé Jules Renard. Dans un salon fanfreluche, à la lueur de la lampe, à côté d'un vase de Sèvres où meurent des roses et du lilas, Jeanne Granier en robe dentelle bleuet et bleu ; devant elle Mayer, en veston gris fer. Elle vive, enjouée, spirituelle ; lui aimable, sarcastique, avec une pointe de sentiment. Les deux anciens amants remuent le passé, relisent de vieilles lettres, et on sent bien qu'il n'y aurait qu'un mot à dire pour que tout se renoue, mais ils doivent l'un et l'autre faire un peu de manières, et Granier lance ce mot exquis : — Vous allez nous faire rater notre rupture !
Et l'on se quitte sur un serrement de main, un peu attendri, un peu remué, et l'amant, comme consolation, lance cette suprême phrase à sa maîtresse : - Du moins, vous avez le beau rôle. La pièce, jouée à ravir par les deux interprètes, a été littéralement aux nues. On a rappelé trois fois les artistes avec des trépignements d'enthousiasm
e. »

Victor le Senne : Le Siècle, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Quant au Plaisir de rompre de M. Jules Renard, suprême dialogue de deux amants, « dernier bateau » qui se font leurs adieux avant de convoler séparément en justes noces, c’est un merveilleux petit acte. Du Maurice Donnay, plus ému, plus vibrant, sans mots d’auteur. Il a été joué en perfection par Henri Mayer, et par Jeanne Granier qui devient tout doucement une des premières comédiennes de Paris »

Catulle Mendès : Le Journal, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « C’est une pièce effrayante que la petite comédie intitulée : Le Plaisir de rompre. A chaque instant, le public souriait, riait même ! J’avais le cœur serré comme par un sinistre drame ; nul autant que M. Jules Renard n’excelle, avec apparences d’ironie aimable, d’humour pas méchant, quelquefois même d’attendrissement, à tordre la conscience humaine, éponge dont il fait suinter des larmes de fiel ; et tous les lettrés admirent, en s’en épouvantant presque, ses romans tortureurs et ses cruels poèmes en prose qui ont des strophes justicières et des mots bourreaux. Mais jamais encore il n’avait été aussi cruel. Oh abominable plaisir ! C’est un spectacle déchirant que celui de ces deux pauvres âmes presque banales, et par cela même ressemblantes à presque toutes les âmes – qui croient ne pas souffrir et qui souffrent tant. Eh ! Non pas de leur séparation elle-même, mais de la certitude où cette séparation les oblige, qu’ils n’aimaient pas ce qu’ils perdent, que le néant où ils entrent sera bien peu différent du rien où ils étaient, avec ce désastre de plus cependant que, n’ayant plus l’illusion de l’ancien bonheur, ils n’auront pas même l’illusion de son regret. En cette suprême entrevue, les sourires, les mains qui se joignent, les souvenirs évoqués, et les mots charmants, et les mots tendres, et les gestes qui éloignent avec un air de rappeler ne sont que des mensonges. Ce qu’il y a de vrai c’est qu’il n’y a rien de vrai, c’est, hélas ! Qu’il n’y a rien de vrai ! Et parmi le deuil que mène Mlle Granier, délicieusement et douloureusement veuve de ce qui n’exista jamais, et Mr Mayer, ironique et niais pleureur, cette pièce est comme une petite tombe où l’on ne jettera que des immortelles depuis longtemps fanées. »

Victor de Cottens : Le Petit National, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Triomphe, succès éclatant, acte spirituel, mordant, flegmatique, atroce, et parfait….a été littéralement aux nues, et qui eut fort honoré la Comédie Française, si elle eût eu le bon esprit de la jouer, on a rappelé trois fois les artistes avec des trépignements d’enthousiasme »

Lucien Descaves : l’Echo de Paris, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Nous verrons sans doute un jour à la Comédie Française, le petit acte intitulé Le Plaisir de Rompre. N’importe. Qu’un homme comme Jules Renard, l’auteur de l’Ecornifleur, de Poil de Carotte et des Histoires Naturelles en soit réduit à jouer aux Escholiers, c’est tout de même extraordinaire ! Je me disais cela hier en allant à l’entracte, féliciter Renard, assailli de poignées de mains presque toutes sincères. Il les reçoit et les repasse : je crois qu’il procède sur place au triage, tant il reste sérieux et comme uniquement attentif à ce qu’on ne lui marche pas sur les pieds. C’est bien mon Jules Renard, froid, boutonné, l’œil aigu, la barbe rissolée, l’air sur la défensive, le garçon de qui un confrère a dit : « Renard…il semble avoir toujours peur qu’on ne retire la chaise sur laquelle il va s’asseoir ». Cette méfiance et une susceptibilité qui me plaît – pour cause – je les retrouve dans l’œuvre de Renard, un des premiers écrivains d’aujourd’hui, tout simplement. Liseur infatigable, critique sévère, observateur également sans indulgence, il m’apparaît un peu comme un prêteur sur gages, embusqué derrière son guichet, évaluant avec un soin poussé jusqu’à la minutie l’intrinsèque des gens, des bêtes et des choses. Il n’en est guère qui trouvent grâce à ses yeux, « filets où les images s’emprisonnent d’elles-mêmes » a-t-il noté. En ses prêts, ses avances d’admiration, sont modiques. Il excelle à découvrir la tare des plus beaux sentiments, les ridicules du temps et de tous les temps. Il contrôle le titre des passions, en fait sonner le métal soi-disant sans alliage. Ce n’est point un moraliste. Il constate et ne juge pas. Quand il examine à la loupe la trame d’une vertu solide et qu’il y montre des vers, ce n’est point pour demander qu’on les retire : il en remettrait plutôt. Il a écrit le Vigneron dans sa vigne, c’est lui le vigneron, sa vigne a le phylloxera, et il le cultive. »

Auguste Germain: l’Echo de Paris, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Délicate et gracieuse comme un bibelot de Saxe, amoureusement caressée et travaillée par la main d’un maître ouvrier, éclairée parfois d’un sourire mélancolique comme un rayon de soleil d’avril, - avec, çà et là,- de brèves phrases attendries qui tintent doucement, discrètement, rendant plus intense par leur discrétion même leur émotion contenue, la pièce de M. Jules Renard, le Plaisir de rompre, est une œuvre d’une distinction et d’une perfection rares, qui honore grandement l’artiste qui l’a signée. Maurice, un gentleman de trente ans, va quitter Blanche, une maîtresse qu’il a beaucoup aimée : il en est au moment fatal où l’on se marie. Il vient dire un dernier adieu à sa maîtresse. Oh ! N’attendez pas la grande scène des larmes ! Tous deux sont gens d’esprit et de raison, ennemis de toute violence ; et, leur amour mort, ils n’ont plus l’un pour l’autre qu’une douce estime, et cette indulgence aimable que nous donnent l’expérience de la vie et son cortège de désillusions. Maurice a demandé à Blanche de vouloir bien passer chez la fleuriste pour qu’elle s’entendit sur le prix des bouquets qu’il enverra à sa fiancée ; et Blanche s’inquiète, demande si les bouquets ont plu, puis elle se renseigne sur le physique et le caractère de la fiancée ; mais insensiblement, la conversation prend une autre tournure ; les amants arrivent à évoquer un instant le passé ; la maîtresse relit à Maurice qu’il lui a écrite, la seule lettre qu’elle ait conservée ; car, en outre de Maurice, elle avait un protecteur, un vieux monsieur qui pour elle n’était qu’un père […] Une telle analyse, reproduisant simplement l’action de la pièce, ne peut rendre l’impression exquise qui se dégage de l’œuvre. Tout le charme de celle-ci est dans la notation habile des sentiments, dans les nuances et la précision des termes. Jamais un mot d’auteur n’éclate fâcheusement. Les deux personnages parlent et vivent dans une atmosphère de réalité, personnages admirablement créés puisqu’ils sont de tous les temps et de tous les pays. »

Alfred Capus : Le Figaro, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Le théâtre vient d’éclairer brusquement une des figures littéraires les plus originales, les plus nettes et les plus caractéristiques de notre temps. En une demi-heure, devant le public nerveux et bruyant des premières, l’auteur du Plaisir de Rompre a rattrapé l’injuste retard qu’il avait dans sa réputation. »

Le Constitutionnel, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Marivaudage fin de siècle, dialogue entre amant et maîtresse, traité par M. Jules Renard, dans la manière de M. Donnay a valu un vif succès à l’auteur ainsi qu’à M. H. Mayer et à Mme Jeanne Granier »

E. Lintilhac : Le Dix-neuvième Siècle, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

L’Eclair, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Fin de soirée à rendre jalouse la Comédie Française »

Maurice Varlet : L’Estafette, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « C’est du Donnay…tel était le cri général à la sortie… La place de Mademoiselle Granier est à la Comédie-Française »

Max Maurey : Le National, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Henry de Gorsse : La Patrie, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre ». Simple note enthousiaste.

La Patrie, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre ». Chez M. Jules Renard

La Presse, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre ». Reproduit La Patrie

Robert Vallier : La République Française, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Félix Duquesnel : Le Gaulois, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Dom Blasius : L’Intransigeant, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » note

J. L Croze : La Presse, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Nous publierons demain le compte rendu des premières représentations qui ont eu lieu hier au Nouveau-Théâtre et aux Escholiers. Voici, en attendant, l'impression des deux auteurs. Chez M. Jules Renard : M. Jules Renard, le délicat écrivain auquel nous devons tant d'œuvres charmantes, vient de se révéler auteur dramatique, et ce fut hier, aux Escholiers, pour le Plaisir de rompre, un joli triomphe. La critique est satisfaite; M. Jules Renard, que nous avons vu ce matin, ne dissimule pas qu'il est heureux de son succès et qu'il s'y attendait. Lorsque mes amis sont venus me demander cet acte, que jamais je n'avais proposé à aucun directeur, je les ai laissés faire; mais, vraiment, ce n'est que dimanche dernier, le matin, a une répétition devant cinq personnes, que j'ai eu la vision du succès. Je dois dire que Jeanne Granier a été pour moi une collaboratrice idéale. Quelle admirable artiste. Elle est mieux qu'une artiste, c'est une femme qui vit sur la scène, n'accentuant jamais l'intonation, toujours naturelle, toujours juste. C'est elle qui me disait en jouant : Ceci est faux enlevez-Ie. Elle est inimitable. Je suis également très satisfait de Mayer, bien que, lui, il arrive en scène avec tous effets préparés. –Et vos impressions d'auteur? Voilà ce qui serait intéressant à connaître. Je vous l'ai dit, c'est d'abord, dimanche, la conscience d'un succès assuré ensuite, à la répétition générale, le contentement de tous les spectateurs est visible. Ils ne laisssent point passer une situation sentimentale ou comique sans la souligner d'une approbation, parfois d'une larme et je sens bien que, lorsqu'ils ont ri, c'est afin de ne point paraitre émus. Hier soir, tout autre public. On est ganté et en frac. On est là pour prendre des attitudes. On ne s'abandonne pas, ou, plutôt, on y met des formes, on se fait prier. Tenez, un fait caractéristique. La pièce a été coupée par les applaudissements au même instant où elle l'avait été la veille, c'est lorsque Jeanne Granier tourne le dos aux spectateurs ; alors l'émotion contenue éclate. En résumé grand succès. Oui, mais qui ne doit pas me rendre imprudent. Ferai-je du théâtre encore ? Je ne sais. En tous cas, le succès ne me grisera pas. Et immédiatement, il ajoute : Savez-vous que des femmes déjà mures et pleurantes sont venues me trouver a l'issue de la représentation, et elles m'ont dit très bas: « Désormais, nous serons des maitresses maternelles »

Jacques du Tille : La Revue Bleue, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « … Le succès a été éclatant »

La Vie Parisienne, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

J. L Croze : La Presse, 20 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Aux Escholiers, ce fut une toute autre soirée d'art et de plaisir littéraire, m'a-t-on dit, car ces Messieurs ont oublié de m'inviter, soit à leur répétition générale, soit à leur première. Le critique n'a pas telle importance qu'il faille à tout prix le convoquer, mais l'ancien membre du cercle eût été heureux de se voir admis à applaudir le nouveau succès de ses camarades. C'est donc d'après les échos, unanimes, par exemple, que je salue le triomphe de Plaisir de rompre, un acte de M. Jules Renard. L'esprit d'observation, traduit en un style d'une acuité et d'une saveur particulières, l'idée, très vécue, ont fait appeler chef-d'œuvre cette comédie que nous devions attendre du merveilleux talent de M. Jules Renard, père de Poil de Carotte et de l'Ecornifleur, deux livres. Ne m'eût-on pas assuré que l'interprétation de Plaisir de rompre était également un chef-d'œuvre que je l'aurais deviné, sachant que Mme Jeanne Granier et M. Henri Mayer étaient de la partie »

Le Rideau de fer : Le Courrier Français, 21 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « …un acte exquis »

Le Cri de Paris, 21 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Paul Perret : La Liberté, 21 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Emmanuel Faguet : Le Journal des Débats, 22 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Petite merveille, merveilleusement jouée par Mlle Granier et fort savamment par M. Mayer, j’y reviendrai »

Henri de Wendel : Paris, 22 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « … Il est difficile de rencontrer une pièce plus spirituelle »

Adolphe Mayer : Le Soir, 22 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

La Revue encyclopédique, mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « …petit chef-d’œuvre »

Tristan Bernard ; Le Rire, 23 mars1897 « C'est toujours un peu malgré lui que l'ironiste Jules Renard, dont on vient de jouer aux Escholiers un petit chef d-œuvre, le Plaisir de rompre, figure dans la collection des auteurs gais. Il rit de beaucoup de choses. Mais il vous dira que ce n'est pas sa faute, et que c'est les choses qui ont commencé. Il ne rit pas en tout cas pour faire rire, il rit parce qu'il voit des choses ridicules, autour de lui et en lui. Les petites vanités, les petites hypocrisies qu'il trouve en lui-même, il s'en châtie impitoyablement. Il se prend par le bout de l'oreille et s'attire au grand jour pour se donner la correction devant tout le monde. Voyez cet homme terrible, au front menaçant, aux yeux aigus, c'est le père Fouettard de lui-même. Et l'étant de lui-même, il l'est de l'humanité. Nos petits neveux, qui n'auront pas de peine à le retrouver parmi la foule de leurs grands-oncles, lui seront reconnaissants d'avoir mis de côté pour eux, dans la cassette de sa phrase durable, toutes les trouvailles précieuses qu'il a faites dans son âme. »

Romain Coolus : La Revue Blanche, 1er avril 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Jules Renard est simplement l’un des meilleurs écrivains de ce temps. Dans la production hâtive de l’époque, ses œuvres se distinguent par des qualités exceptionnelles de conscience, de probité et de loyauté littéraires qui leur assurent la durée. Il n’est pas de ceux qui tiennent à entasser les volumes ; il ne consent à publier que des livres. Quand il permet que son manuscrit passe à l’imprimerie et subisse l’épreuve typographique, on peut être certain que chaque mot a été vérifié et qu’il n’est plus une phrase dont il doute. Mais ce qu’on ne saurait assez admirer, c’est que chacune lui a été une inquiétude, c’est que chacun de ses mots est une conquête et provoqua des scrupules. Ce haut souci de la forme jusqu’en son détail le plus minutieux assigne à son œuvre une place définitive dans les bibliothèques les mieux en garde contre l’invasion bouquinière. Poil de Carotte, l’Ecornifleur, la Lanterne sourde, Histoires naturelles, sont des livres et de beaux livres qui ont droit de prendre rang près des œuvres de nos classiques de qui Renard continue la tradition par les qualités que j’ai dites. Comme eux il a cet amour de la perfection, ce sentiment des nuances, cette patience de l’analyse et cette pureté de vision qui imposent au lecteur amoureux de littérature l’impression de la maitrise. Personne parmi les écrivains de cette génération ne me paraît au même titre que Jules Renard mériter le nom de maître, si ce vocable galvaudé signifie vraiment la pleine possession de ses moyens d’expression et le don de travailler la langue comme une matière infiniment docile et plastique, asservie, devenue incapable de se rebeller. Or, voici que Renard aborde le théâtre. Il est certain à l’avance qu’il nous procurera le rare plaisir d’entendre des phrases faites, des phrases existantes, au lieu de cette charpie verbale, informe et lamentable qui semble le secret même des meilleurs ouvriers dramatiques. Mais on peut craindre que la subtilité de sa remarque ne lui fasse noter des détails microscopiques ; que la perspicacité de son analyse ne lui conseille de relever des nuances tellement ténues qu’au plus avisé spectateur, qu’à l’auditeur le plus attentif elles ne demeurent insaisissables. Le mouvement psychologique, l’évolution incessante des sentiments dans les âmes, soit qu’elles se méditent et se travaillent dans l’écart de la réflexion, soit qu’elles s’influencent les unes les autres, se froissent, se choquent et se meurtrissent en des heurs légers ou des conflits violents, n’est-ce pas vraiment l’action dramatique, la seule indispensable, la seule exigible, tant que le romancier a droit à des stations, à des relais, à des digressions et peut s’immobiliser en des songeries infinies là où il veut et se plait ? Cela posé, on peut craindre que le goût de Renard pour les aspects concrets des choses, son besoin de précision, son amour de l’évocation imagée (à quoi nous devons les merveilleuses Histoires naturelles) ne l’éloignent de cet idéal scénique et qu’à faire vivre devant nous des êtres humains, il soit moins expert ou moins prêt. Il n’en est rien et, je le dis avec une joie vive, toutes ces craintes sont vaines. Dans ce petit acte, intitulé le Plaisir de rompre, il y a, et c’est ce qui me ravit, une vision sûre et large de l’humanité. A maintes reprises on se sent étreint d’une émotion profonde, poigné d’une angoisse indicible. Car, à aucun moment, l’auteur n’intervient pour tempérer, pour adoucir l’impression qui est violente jusqu’à la peine. Avec cette belle dureté, cette cruauté loyale qui est une des caractéristiques de son talent, il dit tout ce qu’il a à dire, tout ce qu’il considère comme de son devoir de dire, sans réticence, sans défaillance, sans attendrissement lâche, sans recul, impitoyablement. Aussi, rien n’est-il douloureux comme cette rupture mutuellement consentie de deux êtres qui se sont aimés autant qu’ils pouvaient s’aimer c’est-à-dire assez peu, je pense, mais qui tout de même se sont aimés et furent désintéressés cette heure au moins n’est ce pas ? Que de préférer la joie de vivre sa vie aux avantages d’une bonne existence bien sociale, chronométrique et située. Or les voici raisonnables ; c’est un divorce de raison, dont l’un et l’autre apprécient l’opportunité, elle non moins que lui malgré les apparences, puisque c’est elle qui lui a choisi la « petite », celle qui demain dans la vie fera cause commune avec lui. La maitresse et l’amant vont faire une fin chacun de son côté, tous deux seront des gens sérieux et rangés qui, le troc des lettres opéré, n’auront plus du passé falot, que des souvenirs poussiéreux et des images de plus en plus éteintes. Et la rupture acceptée de part et d’autre, garante des sécurités futures (cassage de vitres, vitriol et autres ennuis parés) s’effectuerait doucement, officiellement, sans douleur et terminerait de façon correcte l’aventure, s’ils n’avaient (chemin faisant, on s’attendrit) l’imprudence d’évoquer un peu de la joie ancienne qui va mourir tout à fait, un reflet de la passion qui autrefois les souleva, vrais êtres vraiment vivants alors, et non pauvres chiffes sociales. Et c’est le désastre nécéssaire, car on rompra tout de même puisque cela doit être et rentre dans la logique de la présente ; mais on rompra avec déchirement parmi des reproches, des injures, des larmes et de la honte. On salira jusqu’à cette dernière entrevue qui pouvait être un souvenir doux et satisfaire déjà par sa conduite polie leur respectabilité de demain. Et il s’en va, lui, ainsi qu’on s’évade d’une mare fétide où l’on a eu la maladresse de choir, piteux, gauche, grotesque, ridicule et malheureux pourtant ; il s’en va sans savoir comment on s’en va, sans franchise, honteux, sot et médiocre ; et il la laisse, infiniment meurtrie, seule et dégoutée. Rien n’est plus lamentable que cette fin laide où s’avère toute la laideur de leur liaison et qu’ils n’ont même plus, à la veille du mariage qui les classera parmi les quelconques, l’illusion de s’être aimés sincèrement, sans arrière pensée, comme des simples. Avec une admirable sûreté de main, Renard a décrit cette agonie dont les derniers instants sont désolants. Avec tout le monde, je puis bien déclarer chef-d’œuvre cette unique scène qui est le plus émouvant des drames et plus émouvantes que des drames. Elle a d’ailleurs été interprétée de façon supérieure par Mme Jeanne Granier dont la belle voix profonde a trouvé des inflexions déchirantes ; c’est la nature même et cela est merveilleux ; Mayer a fort bien joué le rôle de l’amant dont il a très heureusement mis en lumière la pauvreté morale. A certains moments on pourrait peut-être lui reprocher même d’avoir trop insisté sur ce côté du caractère et de l’avoir présenté plus humilié qu’il n’était nécéssaire ; sous cette légère réserve, l’interprétation a été parfaite et vraiment digne de l’œuvre. »

Jules Lemaître : la Revue des Deux Mondes, 1er avril 1897 « Le Plaisir de Rompre » « … Ce petit acte n’est qu’une scène à deux personnages. Deux amants, Maurice et Blanche, - lui, employé à 2.400 francs : elle, d’une condition assez difficile à définir, quelque chose comme une petite bourgeoise à demi entretenue, - ont décidé de rompre pour se marier chacun de son côté, car la raison le leur commande. Ils ont préparé ensemble cette rupture ; ils se savent bon gré de leur sincérité mutuelle ; ils sentent qu’ils n’ont plus l’un pour l’autre que de l’amitié ; ils ont donc tout lieu de croire que leur dernière entrevue sera cordiale, tranquille, décente, et ne manquera même point de distinction morale. Mais cette entrevue est horriblement mélancolique, et risque à la fin, de devenir vilaine. Blanche, l’ainée, plus sage, un peu maternelle, charmante, souffre plus qu’elle n’avait pensé. Maurice, plus faible, a, malgré lui, des amertumes, une ironie qui sonne faux. Ils sont encore jaloux, bien qu’ils ne soient plus amants. De la jalousie, ils passent à l’attendrissement des souvenirs. Et il est tout à coup ressaisi d’un désir brutal, qu’il prend pour un regain d’amour ; et elle le repousse tristement ; et il ne peut s’empêcher de dire des mots méchants, et il se sent odieux et ridicule. « Ratée, notre rupture ! Misérablement ratée ! » Et il s’en va, parce qu’après tout il faut bien s’en aller. Je ne puis vous dire ici que le dessein de la scène. Elle vaut par la minutieuse, singulière et souvent inattendue vérité des détails. Et le plus remarquable, c’est que M. Renard a su nous faire sentir, dans cette rupture médiocre de deux amants ordinaires, l’infinie et inévitable tristesse de toutes les ruptures, même de celles qui délient ceux qui ne s’aiment plus. L’auteur du Vigneron dans sa vigne est un observateur aigu, un ironiste miséricordieux, un écrivain concis et pittoresque et qui a même inventé des métaphores et des comparaisons ! Je serais charmé que le grand succès du Plaisir de Rompre fit connaître le rare mérite de M. Jules Renard à tous ceux qui ne s’en étaient pas encore avisés »

Louis Dumur : Mercure de France, 1er avril 1897 « Le Plaisir de Rompre » « L’art d’une cruauté si fine – une dent de souris qui ronge – de M. Jules Renard, semblait difficilement transposable à la scène, dont l’optique spéciale produit une déformation parfois fatale aux ouvrages qui n’ont pas été écrits en vue du théâtre, tantôt grossissant les effets jusqu’à l’enflure, tantôt les étouffant jusqu’à l’effacement. L’événement a déjoué les craintes que l’on pouvait concevoir. Le succès a été éclatant, enthousiaste, et la presse entière s’en est faite l’écho. Le Plaisir de Rompre, dont les éléments ont été tirés de quelques chapitres dialogués de Coquecigrues et de la Maitresse, a brillamment soutenu l’épreuve ; tous les mots, si délicieusement ciselés et d’une ironie si mordante, qui ne paraissaient faits que pour être dégustés savamment à la lecture, ont triomphalement « passé la rampe », allant droit au public, à la fois amusé, charmé, chatouillé et ému. Emu ! Voilà la surprise que le théâtre réservait à M. Jules Renard, l’auteur le moins émotionnant qui soit ! Ses mots cruels, ses observations aiguës, ses pointes ironiques ont fini par déterminer un ensemble d’émotion tout à fait inattendu. De « vieilles maitresses » y ont été de leur larme, de « jeunes plaqueurs » de leur petite colique de cœur. C’est que, quelque soigneusement aiguisé qu’il soit, l’art de M. Jules Renard reste scrupuleusement vrai : or, la vérité est la seule chose qui porte toujours au théâtre. La Demande, jouée la saison dernière à l’Odéon, avait déjà fait dresser l’oreille ; avec le Plaisir de rompre, voilà M. Jules Renard passé auteur dramatique. Je ne veux point essayer de prévoir son avenir dans cette voie : Le plaisir de rompre n’est qu’un acte, moins encore, une scène – un petit chef-d’œuvre il est vrai, - or, sur une scène, il est bien difficile de préjuger des qualités dramatiques d’un écrivain. Peut-être M. Jules Renard fera-t-il bien de s’en tenir à des « scènes », de même que, dans le livre, il s’en est tenu à des « pages ». Ce qu’on peut alors lui prédire, c’est que, dans ce genre, il sera le maître. Il l’est déjà. »

Jules Case : La Nouvelle Revue, 1er avril 1897 « Le Plaisir de Rompre » « … acte spirituel, mordant, flegmatique, atroce et parfait qui sonne lugubrement comme un glas sur la mort de l'amour, tandis que deux amants se quittent, lui, piteux et maladroit, elle, écœurée de l'abjection de l'homme. »

L. Michaud d’Humiac : La Nouvelle Revue Internationale, 1er avril 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Robert Vallier : La vie contemporaine et Revue parisienne réunies, 1er avril 1897 « Le Plaisir de Rompre »

L’Audition, avril 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Lucien Besnard : La Revue d’Art dramatique, avril 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Est assurément la plus intéressante œuvre dramatique de l’année. Comme cette jolie pièce se détache en lumière fine et vibrante sur les grisailles de la production courante ! Chef-d’œuvre, vraiment, d’humour et de vérité. C’est la rupture banale à en pleurer de deux amants quelconques qui se jouent à eux-mêmes et de bonne foi la comédie de la séparation triste. A peine sentent-ils confusément qu’ils ne se perdent point puisqu’ils ne se sont jamais aimés, puisqu’ils ont autrefois aussi joué la comédie de l’amour et qu’ils furent toujours irrémédiablement veules. Sur ce thème douloureux, M. Jules Renard épandit la fantaisie désenchantée de ses sourires jaunes et pourtant l’amertume est si heureusement atténuée que la pièce ne cesse d’être profondément humaine et conserve toujours un grand caractère de vérité générale. Sauf quelques taches – fort rares – où l’écriture si particulière de M. Renard apparaît de façon désagréable à la scène, cette pièce constitue une œuvre française classique tant pour la langue que pour le tour d’esprit. Et pendant que j’écoutais cet acte terrible et morose, le souvenir des précieux et simplets proverbes de Musset me hanta maintes fois. En sortant du théâtre, je relus « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ». Par vingt inventions scéniques, parmi lesquelles surtout celle de M. Camut, je fus de nouveau frappé de l’étrange parenté de ces deux œuvres si dissemblables. Et ceci m’autorise à penser que M. Renard, continuant une tradition française que son tempérament original ne peut manquer de modifier profondément, est susceptible de recréer un genre qu’avaient annihilé complètement l’âpre lutte du réalisme français et de l’idéalisme étranger. Mme Jeanne Granier et M. Mayer ont joué – sans la trahir un seul instant – cette œuvre complexe avec une intelligence et un tact admirables. »

Henri Fouquier : Figaro, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » […] Ce petit marivaudage moderniste, fin, joli, ému, d’une verve personnelle, a été enlevé à ravir – faut-il le constater ? – par Mlle Granier et M. Mayer. Nous aurons, je suppose, le plaisir de le retrouver ailleurs, car le succès de ce « rien » a été tout à fait charmant. »

Max Maurey : Le Jour, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

J. Gascogne : La Libre Parole, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Le pompier de service : La Paix, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

J. Lecoq : La Patrie, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Henri Céard : Le Matin, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Dans le spectacle donné hier par les Escholiers se trouve un chef-d’œuvre en un acte… Le chef-d’œuvre, c’est le Plaisir de Rompre, de M. Jules Renard. M. Maurice et Mme Blanche, à l’heure des désabusements, sont devenus des amants reposés. L’amitié, chez eux, l’emporte sur l’amour tellement que, sachant la vanité des liaisons irrégulières, quand Maurice a parlé d’épouser une jeune fille, Blanche ne l’a pas détourné de ce projet. Même, il a fait pour lui, chez les fournisseurs d’élégances et de fleurs, les petites commissions dont un homme s’acquitte d’ordinaire si mal. Maternellement, elle veut que l’amant qui la quitte ait bonne figure mondaine devant sa fiancée… commencée dans la gaieté, la rupture s’achève quand même dans la tristesse, et c’est le charme infini de la comédie de M. Jules Renard, que son ironie a toujours d’exquises larmes dans les yeux. On connaissait l’auteur de l’Ecornifleur comme un écrivain d’une rare acuité d’esprit et de style. Dans le Plaisir de rompre, à ses mérites naturels et reconnus, il a ajouté cette qualité nouvelle et imprévue : l’émotion, et sa pièce a été triomphalement accueillie. Elle a d’ailleurs jouée avec une rare perfection par M. Mayer et Mlle Granier. Eux aussi, par l’interprétation de l’acte de M. Jules Renard, ont fait leur chef-d’œuvre de justesse et de sensibilité.»

Richard O’Monroy : Gil Blas, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Pour finir Plaisir de rompre; un petit bijou de dialogue à deux, signé Jules Renard. Dans un salon fanfreluche, à la lueur de la lampe, à côté d'un vase de Sèvres où meurent des roses et du lilas, Jeanne Granier en robe dentelle bleuet et bleu ; devant elle Mayer, en veston gris fer. Elle vive, enjouée, spirituelle ; lui aimable, sarcastique, avec une pointe de sentiment. Les deux anciens amants remuent le passé, relisent de vieilles lettres, et on sent bien qu'il n'y aurait qu'un mot à dire pour que tout se renoue, mais ils doivent l'un et l'autre faire un peu de manières, et Granier lance ce mot exquis : — Vous allez nous faire rater notre rupture !
Et l'on se quitte sur un serrement de main, un peu attendri, un peu remué, et l'amant, comme consolation, lance cette suprême phrase à sa maîtresse : - Du moins, vous avez le beau rôle. La pièce, jouée à ravir par les deux interprètes, a été littéralement aux nues. On a rappelé trois fois les artistes avec des trépignements d'enthousiasm
e. »

Victor le Senne : Le Siècle, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Quant au Plaisir de rompre de M. Jules Renard, suprême dialogue de deux amants, « dernier bateau » qui se font leurs adieux avant de convoler séparément en justes noces, c’est un merveilleux petit acte. Du Maurice Donnay, plus ému, plus vibrant, sans mots d’auteur. Il a été joué en perfection par Henri Mayer, et par Jeanne Granier qui devient tout doucement une des premières comédiennes de Paris »

Catulle Mendès : Le Journal, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « C’est une pièce effrayante que la petite comédie intitulée : Le Plaisir de rompre. A chaque instant, le public souriait, riait même ! J’avais le cœur serré comme par un sinistre drame ; nul autant que M. Jules Renard n’excelle, avec apparences d’ironie aimable, d’humour pas méchant, quelquefois même d’attendrissement, à tordre la conscience humaine, éponge dont il fait suinter des larmes de fiel ; et tous les lettrés admirent, en s’en épouvantant presque, ses romans tortureurs et ses cruels poèmes en prose qui ont des strophes justicières et des mots bourreaux. Mais jamais encore il n’avait été aussi cruel. Oh abominable plaisir ! C’est un spectacle déchirant que celui de ces deux pauvres âmes presque banales, et par cela même ressemblantes à presque toutes les âmes – qui croient ne pas souffrir et qui souffrent tant. Eh ! Non pas de leur séparation elle-même, mais de la certitude où cette séparation les oblige, qu’ils n’aimaient pas ce qu’ils perdent, que le néant où ils entrent sera bien peu différent du rien où ils étaient, avec ce désastre de plus cependant que, n’ayant plus l’illusion de l’ancien bonheur, ils n’auront pas même l’illusion de son regret. En cette suprême entrevue, les sourires, les mains qui se joignent, les souvenirs évoqués, et les mots charmants, et les mots tendres, et les gestes qui éloignent avec un air de rappeler ne sont que des mensonges. Ce qu’il y a de vrai c’est qu’il n’y a rien de vrai, c’est, hélas ! Qu’il n’y a rien de vrai ! Et parmi le deuil que mène Mlle Granier, délicieusement et douloureusement veuve de ce qui n’exista jamais, et Mr Mayer, ironique et niais pleureur, cette pièce est comme une petite tombe où l’on ne jettera que des immortelles depuis longtemps fanées. »

Victor de Cottens : Le Petit National, 17 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Triomphe, succès éclatant, acte spirituel, mordant, flegmatique, atroce, et parfait….a été littéralement aux nues, et qui eut fort honoré la Comédie Française, si elle eût eu le bon esprit de la jouer, on a rappelé trois fois les artistes avec des trépignements d’enthousiasme »

Lucien Descaves : l’Echo de Paris, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Nous verrons sans doute un jour à la Comédie Française, le petit acte intitulé Le Plaisir de Rompre. N’importe. Qu’un homme comme Jules Renard, l’auteur de l’Ecornifleur, de Poil de Carotte et des Histoires Naturelles en soit réduit à jouer aux Escholiers, c’est tout de même extraordinaire ! Je me disais cela hier en allant à l’entracte, féliciter Renard, assailli de poignées de mains presque toutes sincères. Il les reçoit et les repasse : je crois qu’il procède sur place au triage, tant il reste sérieux et comme uniquement attentif à ce qu’on ne lui marche pas sur les pieds. C’est bien mon Jules Renard, froid, boutonné, l’œil aigu, la barbe rissolée, l’air sur la défensive, le garçon de qui un confrère a dit : « Renard…il semble avoir toujours peur qu’on ne retire la chaise sur laquelle il va s’asseoir ». Cette méfiance et une susceptibilité qui me plaît – pour cause – je les retrouve dans l’œuvre de Renard, un des premiers écrivains d’aujourd’hui, tout simplement. Liseur infatigable, critique sévère, observateur également sans indulgence, il m’apparaît un peu comme un prêteur sur gages, embusqué derrière son guichet, évaluant avec un soin poussé jusqu’à la minutie l’intrinsèque des gens, des bêtes et des choses. Il n’en est guère qui trouvent grâce à ses yeux, « filets où les images s’emprisonnent d’elles-mêmes » a-t-il noté. En ses prêts, ses avances d’admiration, sont modiques. Il excelle à découvrir la tare des plus beaux sentiments, les ridicules du temps et de tous les temps. Il contrôle le titre des passions, en fait sonner le métal soi-disant sans alliage. Ce n’est point un moraliste. Il constate et ne juge pas. Quand il examine à la loupe la trame d’une vertu solide et qu’il y montre des vers, ce n’est point pour demander qu’on les retire : il en remettrait plutôt. Il a écrit le Vigneron dans sa vigne, c’est lui le vigneron, sa vigne a le phylloxera, et il le cultive. »

Auguste Germain: l’Echo de Paris, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Délicate et gracieuse comme un bibelot de Saxe, amoureusement caressée et travaillée par la main d’un maître ouvrier, éclairée parfois d’un sourire mélancolique comme un rayon de soleil d’avril, - avec, çà et là,- de brèves phrases attendries qui tintent doucement, discrètement, rendant plus intense par leur discrétion même leur émotion contenue, la pièce de M. Jules Renard, le Plaisir de rompre, est une œuvre d’une distinction et d’une perfection rares, qui honore grandement l’artiste qui l’a signée. Maurice, un gentleman de trente ans, va quitter Blanche, une maîtresse qu’il a beaucoup aimée : il en est au moment fatal où l’on se marie. Il vient dire un dernier adieu à sa maîtresse. Oh ! N’attendez pas la grande scène des larmes ! Tous deux sont gens d’esprit et de raison, ennemis de toute violence ; et, leur amour mort, ils n’ont plus l’un pour l’autre qu’une douce estime, et cette indulgence aimable que nous donnent l’expérience de la vie et son cortège de désillusions. Maurice a demandé à Blanche de vouloir bien passer chez la fleuriste pour qu’elle s’entendit sur le prix des bouquets qu’il enverra à sa fiancée ; et Blanche s’inquiète, demande si les bouquets ont plu, puis elle se renseigne sur le physique et le caractère de la fiancée ; mais insensiblement, la conversation prend une autre tournure ; les amants arrivent à évoquer un instant le passé ; la maîtresse relit à Maurice qu’il lui a écrite, la seule lettre qu’elle ait conservée ; car, en outre de Maurice, elle avait un protecteur, un vieux monsieur qui pour elle n’était qu’un père […] Une telle analyse, reproduisant simplement l’action de la pièce, ne peut rendre l’impression exquise qui se dégage de l’œuvre. Tout le charme de celle-ci est dans la notation habile des sentiments, dans les nuances et la précision des termes. Jamais un mot d’auteur n’éclate fâcheusement. Les deux personnages parlent et vivent dans une atmosphère de réalité, personnages admirablement créés puisqu’ils sont de tous les temps et de tous les pays. »

Alfred Capus : Le Figaro, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Le théâtre vient d’éclairer brusquement une des figures littéraires les plus originales, les plus nettes et les plus caractéristiques de notre temps. En une demi-heure, devant le public nerveux et bruyant des premières, l’auteur du Plaisir de Rompre a rattrapé l’injuste retard qu’il avait dans sa réputation. »

Le Constitutionnel, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Marivaudage fin de siècle, dialogue entre amant et maîtresse, traité par M. Jules Renard, dans la manière de M. Donnay a valu un vif succès à l’auteur ainsi qu’à M. H. Mayer et à Mme Jeanne Granier »

E. Lintilhac : Le Dix-neuvième Siècle, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

L’Eclair, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Fin de soirée à rendre jalouse la Comédie Française »

Maurice Varlet : L’Estafette, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « C’est du Donnay…tel était le cri général à la sortie… La place de Mademoiselle Granier est à la Comédie-Française »

Max Maurey : Le National, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Henry de Gorsse : La Patrie, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre ». Simple note enthousiaste.

La Patrie, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre ». Chez M. Jules Renard

La Presse, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre ». Reproduit La Patrie

Robert Vallier : La République Française, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Félix Duquesnel : Le Gaulois, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Dom Blasius : L’Intransigeant, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » note

J. L Croze : La Presse, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Nous publierons demain le compte rendu des premières représentations qui ont eu lieu hier au Nouveau-Théâtre et aux Escholiers. Voici, en attendant, l'impression des deux auteurs. Chez M. Jules Renard : M. Jules Renard, le délicat écrivain auquel nous devons tant d'œuvres charmantes, vient de se révéler auteur dramatique, et ce fut hier, aux Escholiers, pour le Plaisir de rompre, un joli triomphe. La critique est satisfaite; M. Jules Renard, que nous avons vu ce matin, ne dissimule pas qu'il est heureux de son succès et qu'il s'y attendait. Lorsque mes amis sont venus me demander cet acte, que jamais je n'avais proposé à aucun directeur, je les ai laissés faire; mais, vraiment, ce n'est que dimanche dernier, le matin, a une répétition devant cinq personnes, que j'ai eu la vision du succès. Je dois dire que Jeanne Granier a été pour moi une collaboratrice idéale. Quelle admirable artiste. Elle est mieux qu'une artiste, c'est une femme qui vit sur la scène, n'accentuant jamais l'intonation, toujours naturelle, toujours juste. C'est elle qui me disait en jouant : Ceci est faux enlevez-Ie. Elle est inimitable. Je suis également très satisfait de Mayer, bien que, lui, il arrive en scène avec tous effets préparés. –Et vos impressions d'auteur? Voilà ce qui serait intéressant à connaître. Je vous l'ai dit, c'est d'abord, dimanche, la conscience d'un succès assuré ensuite, à la répétition générale, le contentement de tous les spectateurs est visible. Ils ne laisssent point passer une situation sentimentale ou comique sans la souligner d'une approbation, parfois d'une larme et je sens bien que, lorsqu'ils ont ri, c'est afin de ne point paraitre émus. Hier soir, tout autre public. On est ganté et en frac. On est là pour prendre des attitudes. On ne s'abandonne pas, ou, plutôt, on y met des formes, on se fait prier. Tenez, un fait caractéristique. La pièce a été coupée par les applaudissements au même instant où elle l'avait été la veille, c'est lorsque Jeanne Granier tourne le dos aux spectateurs ; alors l'émotion contenue éclate. En résumé grand succès. Oui, mais qui ne doit pas me rendre imprudent. Ferai-je du théâtre encore ? Je ne sais. En tous cas, le succès ne me grisera pas. Et immédiatement, il ajoute : Savez-vous que des femmes déjà mures et pleurantes sont venues me trouver a l'issue de la représentation, et elles m'ont dit très bas: « Désormais, nous serons des maitresses maternelles »

Jacques du Tille : La Revue Bleue, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « … Le succès a été éclatant »

La Vie Parisienne, 18 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

J. L Croze : La Presse, 20 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Aux Escholiers, ce fut une toute autre soirée d'art et de plaisir littéraire, m'a-t-on dit, car ces Messieurs ont oublié de m'inviter, soit à leur répétition générale, soit à leur première. Le critique n'a pas telle importance qu'il faille à tout prix le convoquer, mais l'ancien membre du cercle eût été heureux de se voir admis à applaudir le nouveau succès de ses camarades. C'est donc d'après les échos, unanimes, par exemple, que je salue le triomphe de Plaisir de rompre, un acte de M. Jules Renard. L'esprit d'observation, traduit en un style d'une acuité et d'une saveur particulières, l'idée, très vécue, ont fait appeler chef-d'œuvre cette comédie que nous devions attendre du merveilleux talent de M. Jules Renard, père de Poil de Carotte et de l'Ecornifleur, deux livres. Ne m'eût-on pas assuré que l'interprétation de Plaisir de rompre était également un chef-d'œuvre que je l'aurais deviné, sachant que Mme Jeanne Granier et M. Henri Mayer étaient de la partie »

Le Rideau de fer : Le Courrier Français, 21 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « …un acte exquis »

Le Cri de Paris, 21 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Paul Perret : La Liberté, 21 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Emmanuel Faguet : Le Journal des Débats, 22 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Petite merveille, merveilleusement jouée par Mlle Granier et fort savamment par M. Mayer, j’y reviendrai »

Henri de Wendel : Paris, 22 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « … Il est difficile de rencontrer une pièce plus spirituelle »

Adolphe Mayer : Le Soir, 22 mars 1897 « Le Plaisir de Rompre »

La Revue encyclopédique, mars 1897 « Le Plaisir de Rompre » « …petit chef-d’œuvre »

Tristan Bernard ; Le Rire, 23 mars 1897 « C'est toujours un peu malgré lui que l'ironiste Jules Renard, dont on vient de jouer aux Escholiers un petit chef d-œuvre, le Plaisir de rompre, figure dans la collection des auteurs gais. Il rit de beaucoup de choses. Mais il vous dira que ce n'est pas sa faute, et que c'est les choses qui ont commencé. Il ne rit pas en tout cas pour faire rire, il rit parce qu'il voit des choses ridicules, autour de lui et en lui. Les petites vanités, les petites hypocrisies qu'il trouve en lui-même, il s'en châtie impitoyablement. Il se prend par le bout de l'oreille et s'attire au grand jour pour se donner la correction devant tout le monde. Voyez cet homme terrible, au front menaçant, aux yeux aigus, c'est le père Fouettard de lui-même. Et l'étant de lui-même, il l'est de l'humanité. Nos petits neveux, qui n'auront pas de peine à le retrouver parmi la foule de leurs grands-oncles, lui seront reconnaissants d'avoir mis de côté pour eux, dans la cassette de sa phrase durable, toutes les trouvailles précieuses qu'il a faites dans son âme. »

Romain Coolus : La Revue Blanche, 1er avril 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Jules Renard est simplement l’un des meilleurs écrivains de ce temps. Dans la production hâtive de l’époque, ses œuvres se distinguent par des qualités exceptionnelles de conscience, de probité et de loyauté littéraires qui leur assurent la durée. Il n’est pas de ceux qui tiennent à entasser les volumes ; il ne consent à publier que des livres. Quand il permet que son manuscrit passe à l’imprimerie et subisse l’épreuve typographique, on peut être certain que chaque mot a été vérifié et qu’il n’est plus une phrase dont il doute. Mais ce qu’on ne saurait assez admirer, c’est que chacune lui a été une inquiétude, c’est que chacun de ses mots est une conquête et provoqua des scrupules. Ce haut souci de la forme jusqu’en son détail le plus minutieux assigne à son œuvre une place définitive dans les bibliothèques les mieux en garde contre l’invasion bouquinière. Poil de Carotte, l’Ecornifleur, la Lanterne sourde, Histoires naturelles, sont des livres et de beaux livres qui ont droit de prendre rang près des œuvres de nos classiques de qui Renard continue la tradition par les qualités que j’ai dites. Comme eux il a cet amour de la perfection, ce sentiment des nuances, cette patience de l’analyse et cette pureté de vision qui imposent au lecteur amoureux de littérature l’impression de la maitrise. Personne parmi les écrivains de cette génération ne me paraît au même titre que Jules Renard mériter le nom de maître, si ce vocable galvaudé signifie vraiment la pleine possession de ses moyens d’expression et le don de travailler la langue comme une matière infiniment docile et plastique, asservie, devenue incapable de se rebeller. Or, voici que Renard aborde le théâtre. Il est certain à l’avance qu’il nous procurera le rare plaisir d’entendre des phrases faites, des phrases existantes, au lieu de cette charpie verbale, informe et lamentable qui semble le secret même des meilleurs ouvriers dramatiques. Mais on peut craindre que la subtilité de sa remarque ne lui fasse noter des détails microscopiques ; que la perspicacité de son analyse ne lui conseille de relever des nuances tellement ténues qu’au plus avisé spectateur, qu’à l’auditeur le plus attentif elles ne demeurent insaisissables. Le mouvement psychologique, l’évolution incessante des sentiments dans les âmes, soit qu’elles se méditent et se travaillent dans l’écart de la réflexion, soit qu’elles s’influencent les unes les autres, se froissent, se choquent et se meurtrissent en des heurs légers ou des conflits violents, n’est-ce pas vraiment l’action dramatique, la seule indispensable, la seule exigible, tant que le romancier a droit à des stations, à des relais, à des digressions et peut s’immobiliser en des songeries infinies là où il veut et se plait ? Cela posé, on peut craindre que le goût de Renard pour les aspects concrets des choses, son besoin de précision, son amour de l’évocation imagée (à quoi nous devons les merveilleuses Histoires naturelles) ne l’éloignent de cet idéal scénique et qu’à faire vivre devant nous des êtres humains, il soit moins expert ou moins prêt. Il n’en est rien et, je le dis avec une joie vive, toutes ces craintes sont vaines. Dans ce petit acte, intitulé le Plaisir de rompre, il y a, et c’est ce qui me ravit, une vision sûre et large de l’humanité. A maintes reprises on se sent étreint d’une émotion profonde, poigné d’une angoisse indicible. Car, à aucun moment, l’auteur n’intervient pour tempérer, pour adoucir l’impression qui est violente jusqu’à la peine. Avec cette belle dureté, cette cruauté loyale qui est une des caractéristiques de son talent, il dit tout ce qu’il a à dire, tout ce qu’il considère comme de son devoir de dire, sans réticence, sans défaillance, sans attendrissement lâche, sans recul, impitoyablement. Aussi, rien n’est-il douloureux comme cette rupture mutuellement consentie de deux êtres qui se sont aimés autant qu’ils pouvaient s’aimer c’est-à-dire assez peu, je pense, mais qui tout de même se sont aimés et furent désintéressés cette heure au moins n’est ce pas ? Que de préférer la joie de vivre sa vie aux avantages d’une bonne existence bien sociale, chronométrique et située. Or les voici raisonnables ; c’est un divorce de raison, dont l’un et l’autre apprécient l’opportunité, elle non moins que lui malgré les apparences, puisque c’est elle qui lui a choisi la « petite », celle qui demain dans la vie fera cause commune avec lui. La maitresse et l’amant vont faire une fin chacun de son côté, tous deux seront des gens sérieux et rangés qui, le troc des lettres opéré, n’auront plus du passé falot, que des souvenirs poussiéreux et des images de plus en plus éteintes. Et la rupture acceptée de part et d’autre, garante des sécurités futures (cassage de vitres, vitriol et autres ennuis parés) s’effectuerait doucement, officiellement, sans douleur et terminerait de façon correcte l’aventure, s’ils n’avaient (chemin faisant, on s’attendrit) l’imprudence d’évoquer un peu de la joie ancienne qui va mourir tout à fait, un reflet de la passion qui autrefois les souleva, vrais êtres vraiment vivants alors, et non pauvres chiffes sociales. Et c’est le désastre nécéssaire, car on rompra tout de même puisque cela doit être et rentre dans la logique de la présente ; mais on rompra avec déchirement parmi des reproches, des injures, des larmes et de la honte. On salira jusqu’à cette dernière entrevue qui pouvait être un souvenir doux et satisfaire déjà par sa conduite polie leur respectabilité de demain. Et il s’en va, lui, ainsi qu’on s’évade d’une mare fétide où l’on a eu la maladresse de choir, piteux, gauche, grotesque, ridicule et malheureux pourtant ; il s’en va sans savoir comment on s’en va, sans franchise, honteux, sot et médiocre ; et il la laisse, infiniment meurtrie, seule et dégoutée. Rien n’est plus lamentable que cette fin laide où s’avère toute la laideur de leur liaison et qu’ils n’ont même plus, à la veille du mariage qui les classera parmi les quelconques, l’illusion de s’être aimés sincèrement, sans arrière pensée, comme des simples. Avec une admirable sûreté de main, Renard a décrit cette agonie dont les derniers instants sont désolants. Avec tout le monde, je puis bien déclarer chef-d’œuvre cette unique scène qui est le plus émouvant des drames et plus émouvantes que des drames. Elle a d’ailleurs été interprétée de façon supérieure par Mme Jeanne Granier dont la belle voix profonde a trouvé des inflexions déchirantes ; c’est la nature même et cela est merveilleux ; Mayer a fort bien joué le rôle de l’amant dont il a très heureusement mis en lumière la pauvreté morale. A certains moments on pourrait peut-être lui reprocher même d’avoir trop insisté sur ce côté du caractère et de l’avoir présenté plus humilié qu’il n’était nécéssaire ; sous cette légère réserve, l’interprétation a été parfaite et vraiment digne de l’œuvre. »

Jules Lemaître : la Revue des Deux Mondes, 1er avril 1897 « Le Plaisir de Rompre » « … Ce petit acte n’est qu’une scène à deux personnages. Deux amants, Maurice et Blanche, - lui, employé à 2.400 francs : elle, d’une condition assez difficile à définir, quelque chose comme une petite bourgeoise à demi entretenue, - ont décidé de rompre pour se marier chacun de son côté, car la raison le leur commande. Ils ont préparé ensemble cette rupture ; ils se savent bon gré de leur sincérité mutuelle ; ils sentent qu’ils n’ont plus l’un pour l’autre que de l’amitié ; ils ont donc tout lieu de croire que leur dernière entrevue sera cordiale, tranquille, décente, et ne manquera même point de distinction morale. Mais cette entrevue est horriblement mélancolique, et risque à la fin, de devenir vilaine. Blanche, l’ainée, plus sage, un peu maternelle, charmante, souffre plus qu’elle n’avait pensé. Maurice, plus faible, a, malgré lui, des amertumes, une ironie qui sonne faux. Ils sont encore jaloux, bien qu’ils ne soient plus amants. De la jalousie, ils passent à l’attendrissement des souvenirs. Et il est tout à coup ressaisi d’un désir brutal, qu’il prend pour un regain d’amour ; et elle le repousse tristement ; et il ne peut s’empêcher de dire des mots méchants, et il se sent odieux et ridicule. « Ratée, notre rupture ! Misérablement ratée ! » Et il s’en va, parce qu’après tout il faut bien s’en aller. Je ne puis vous dire ici que le dessein de la scène. Elle vaut par la minutieuse, singulière et souvent inattendue vérité des détails. Et le plus remarquable, c’est que M. Renard a su nous faire sentir, dans cette rupture médiocre de deux amants ordinaires, l’infinie et inévitable tristesse de toutes les ruptures, même de celles qui délient ceux qui ne s’aiment plus. L’auteur du Vigneron dans sa vigne est un observateur aigu, un ironiste miséricordieux, un écrivain concis et pittoresque et qui a même inventé des métaphores et des comparaisons ! Je serais charmé que le grand succès du Plaisir de Rompre fit connaître le rare mérite de M. Jules Renard à tous ceux qui ne s’en étaient pas encore avisés »

Louis Dumur : Mercure de France, 1er avril 1897 « Le Plaisir de Rompre » « L’art d’une cruauté si fine – une dent de souris qui ronge – de M. Jules Renard, semblait difficilement transposable à la scène, dont l’optique spéciale produit une déformation parfois fatale aux ouvrages qui n’ont pas été écrits en vue du théâtre, tantôt grossissant les effets jusqu’à l’enflure, tantôt les étouffant jusqu’à l’effacement. L’événement a déjoué les craintes que l’on pouvait concevoir. Le succès a été éclatant, enthousiaste, et la presse entière s’en est faite l’écho. Le Plaisir de Rompre, dont les éléments ont été tirés de quelques chapitres dialogués de Coquecigrues et de la Maitresse, a brillamment soutenu l’épreuve ; tous les mots, si délicieusement ciselés et d’une ironie si mordante, qui ne paraissaient faits que pour être dégustés savamment à la lecture, ont triomphalement « passé la rampe », allant droit au public, à la fois amusé, charmé, chatouillé et ému. Emu ! Voilà la surprise que le théâtre réservait à M. Jules Renard, l’auteur le moins émotionnant qui soit ! Ses mots cruels, ses observations aiguës, ses pointes ironiques ont fini par déterminer un ensemble d’émotion tout à fait inattendu. De « vieilles maitresses » y ont été de leur larme, de « jeunes plaqueurs » de leur petite colique de cœur. C’est que, quelque soigneusement aiguisé qu’il soit, l’art de M. Jules Renard reste scrupuleusement vrai : or, la vérité est la seule chose qui porte toujours au théâtre. La Demande, jouée la saison dernière à l’Odéon, avait déjà fait dresser l’oreille ; avec le Plaisir de rompre, voilà M. Jules Renard passé auteur dramatique. Je ne veux point essayer de prévoir son avenir dans cette voie : Le plaisir de rompre n’est qu’un acte, moins encore, une scène – un petit chef-d’œuvre il est vrai, - or, sur une scène, il est bien difficile de préjuger des qualités dramatiques d’un écrivain. Peut-être M. Jules Renard fera-t-il bien de s’en tenir à des « scènes », de même que, dans le livre, il s’en est tenu à des « pages ». Ce qu’on peut alors lui prédire, c’est que, dans ce genre, il sera le maître. Il l’est déjà. »

Jules Case : La Nouvelle Revue, 1er avril 1897 « Le Plaisir de Rompre » « … acte spirituel, mordant, flegmatique, atroce et parfait qui sonne lugubrement comme un glas sur la mort de l'amour, tandis que deux amants se quittent, lui, piteux et maladroit, elle, écœurée de l'abjection de l'homme. »

L. Michaud d’Humiac : La Nouvelle Revue Internationale, 1er avril 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Robert Vallier : La vie contemporaine et Revue parisienne réunies, 1er avril 1897 « Le Plaisir de Rompre »

L’Audition, avril 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Lucien Besnard : La Revue d’Art dramatique, avril 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Est assurément la plus intéressante œuvre dramatique de l’année. Comme cette jolie pièce se détache en lumière fine et vibrante sur les grisailles de la production courante ! Chef-d’œuvre, vraiment, d’humour et de vérité. C’est la rupture banale à en pleurer de deux amants quelconques qui se jouent à eux-mêmes et de bonne foi la comédie de la séparation triste. A peine sentent-ils confusément qu’ils ne se perdent point puisqu’ils ne se sont jamais aimés, puisqu’ils ont autrefois aussi joué la comédie de l’amour et qu’ils furent toujours irrémédiablement veules. Sur ce thème douloureux, M. Jules Renard épandit la fantaisie désenchantée de ses sourires jaunes et pourtant l’amertume est si heureusement atténuée que la pièce ne cesse d’être profondément humaine et conserve toujours un grand caractère de vérité générale. Sauf quelques taches – fort rares – où l’écriture si particulière de M. Renard apparaît de façon désagréable à la scène, cette pièce constitue une œuvre française classique tant pour la langue que pour le tour d’esprit. Et pendant que j’écoutais cet acte terrible et morose, le souvenir des précieux et simplets proverbes de Musset me hanta maintes fois. En sortant du théâtre, je relus « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ». Par vingt inventions scéniques, parmi lesquelles surtout celle de M. Camut, je fus de nouveau frappé de l’étrange parenté de ces deux œuvres si dissemblables. Et ceci m’autorise à penser que M. Renard, continuant une tradition française que son tempérament original ne peut manquer de modifier profondément, est susceptible de recréer un genre qu’avaient annihilé complètement l’âpre lutte du réalisme français et de l’idéalisme étranger. Mme Jeanne Granier et M. Mayer ont joué – sans la trahir un seul instant – cette œuvre complexe avec une intelligence et un tact admirables. »

Francisque Sarcey ; Le Temps, 17 mai 1897 « Le Plaisir de Rompre » « Et maintenant, ne manquez pas d’aller voir, si on la redonne, une charmante piécette, le Plaisir de rompre de M. Jules Renard. Elle avait été jouée une première fois aux Escholiers, on nous l’a cette semaine resservie à la Bodinière, avec une conférence, en guide de préface, par Jules Lemaitre. Elle a été délicieuse cette conférence, et Jules Lemaître nous a lu à ravir quelques-uns des croquis de Jules Renard. Ah ! Qu’il lit bien et comme il fait comprendre, sentir et admirer ce qu’il lit ! Le Plaisir de Rompre n’est qu’une scène, dont le dessin n’est pas très net ; elle flotte au milieu, et il y aurait là quelques coupures et quelque retouche à faire. Mais quel joli dialogue ! Comme tout cela est vrai et sincère ! Il s’agit de deux jeunes gens, amant et maitresse, qui ont longtemps vécu ensemble… Tout cela est fin, discret, exquis, et joué ! Et joué ! C’est un charme ! »

Emile Faguet : Le Journal des Débats, 24 mai 1897 « Le Plaisir de Rompre » « …Cette petite pièce est en train de faire le tour des salons de Paris. Elle est très agréable. Elle a été accueillie moins fanatiquement à la Bodinière qu’elle ne l’avait été aux Escholiers où elle avait eu absolument un succès d’enthousiasme ; mais cela veut dire simplement qu’aux Escholiers elle avait été précédée d’une pièce, qui, sans être mauvaise, certes, l’avait un peu « repoussée », tandis qu’à la Bodinière elle était précédée de M. Jules Lemaitre, et que c’est toujours dangereux d’être précédé de M. Jules Lemaitre, même quand il vous précède pour vous introduire, même quand il vous précède pour vous recommander. C’est l’histoire d’un bon jeune homme qui voulait épouser la belle jeune fille, et qui vous avait prié de le présenter dans la maison. Vous le présentâtes, vous voulûtes le faire briller, vous fûtes charmant, vous l’éclipsâtes, et c’est vous qui avez épousé la belle jeune fille. Et pourtant vous n’êtes pas une canaille. M. Jules Lemaitre, qui est un très honnête homme, a joué un peu votre rôle. Il a fait l’éloge de M. Jules Renard, l’auteur du Plaisir de rompre ; il a lu, et comme il sait lire, quelques-unes des plus jolies pages de M. Jules Renard ; et il voulait s’en aller, et il se sentait retenu par l’attention et l’applaudissement, et il restait encore un peu ; et il a fait un peu de tort au Plaisir de rompre par le plaisir qu’on avait à l’écouter ; il ne faut pas que la conférence soit trop bonne. Soyons juste : il a rarement ce défaut-là. Le Plaisir de Rompre n’est pas moins une œuvre tout à fait exquise. Elle manque un peu de rythme, la marche n’est pas assez nettement marquée ; il y a un peu de flottement au milieu… mais la pièce commence bien, elle finit bien, deux points de toute importance, et elle abonde en jolis détails. »

Robert de Flers : La Revue d’Art dramatique, mai 1897 « Le Plaisir de Rompre »

Lugné-Poe : La Presse, 7 juin 1897 « Le Plaisir de Rompre » «Le cercle des Escholiers a donné hier, dans la salle des Bouffes-Parisiens, son troisième spectacle de la saison. Sous
la présidence de M. Hobert de Flers, les Escholiers poursuivent Ieurs heureuses représentations de jeunes auteurs français. Leur précédent spectacle leur avait fourni l'occasion, de représenter avec une distribution éclatante une manière de chef-d'œuvre de M. Jules Renard le Plaisir de Rompre, que l'on peut encore applaudir de temps à autre au Théâtre d'Application. Jamais l'auteur du Vigneron dans sa vigne, des Histoires Naturelles, de l'Ecornifleur, de la Maîtresse n'a certainement fait aussi délicat, aussi concis et plus exact. J'ose espérer que cette pièce, qui nous permettra un article d'été sera bientôt sur l'affiche du Théâtre- França
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Publié dans Le Plaisir de Rompre

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