CASE

Publié le par LAURENCE NOYER

Jules Case : La Nouvelle Revue, 15 mars 1900 « Poil de Carotte » (théâtre) « Il ne faut pas raconter Poil de Carotte, de M. Jules Renard. II faut entendre ce dialogue exquis et fin, et ses petites phrases courtes et nourries, sèches de forme et laissant un arrière-goût qui dure. Il y a bien de la tendresse humaine dans cette œuvre restreinte à son essence et à ses effets de simplicité. M. Jules Renard, arrière petit- fils littéraire de La Fontaine, excelle à ces raccourcis ou beaucoup est compris dans très peu. Mais il se sépare de son ancêtre, quand il s'agit de conclure et de tirer une morale. A la vérité, il n'en tire pas; se contentant de vous laisser la sensibilité en émoi et le cœur un peu mieux disposé à se rapprocher de la souffrance d'autrui, qu'elle relève de quelques cas de défaillance de caractère ou qu'elle s'abrite sous quelque forme un peu risible, en un mot ou qu'elle soit. Ici, ce sont deux êtres, l'un jeune, l'autre vieux, qui partagent le malheur d'une destinée commune. Une âme mauvaise, impérieuse, acariâtre pèse sur la leur, empoisonne l'air qu'ils respirent, les fait chétifs; honteux d'eux-mêmes, se cachant, toujours poursuivis par la voix qui va les railler, les blesser, les gourmander. De révolte, ils n'en ont pas. Ils sont des faibles. Mais il reste toujours l'effusion humaine, et c'est une bonne et large prise de bonheur qu'ils aspirent, les deux infortunés qui, un jour, les yeux dans les yeux, les mains unies, les cœurs dilatés par le réconfort, sentent leurs deux détresses communier dans un même épanchement. »

Publié dans poil de carotte

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