MONTCORNET

Publié le par LAURENCE NOYER

Montcornet : Le Petit Parisien, 7 mai 1903 « Monsieur Vernet » « Voici maintenant, avec la deuxième pièce, Monsieur Vernet, le morceau capital de la soirée en deux actes, également. C'est une comédie de caractère. Auteur M. Jules Renard, l'écrivain subtil et fin de Poil de Carotte. M. Vernet est un brave commerçant enrichi. Il a épousé une femme plus jeune que lui, qu'il adore. Le ménage, calme et heureux, n'a pas d'enfants. Mme Vernet, douce et aimable, a une sœur revêche et désagréable, qui agace M. Vernet et qu'il ne peut souffrir. La famille se complète d'une nièce, fille d'un frère disparu. Les deux sœurs étaient institutrices. Elles ont une éducation et une instruction certainement supérieures à M. Vernet, qui n'est pas bête, qui a sa fortune faite, mais qui ignore le latin et la cosmographie. M. Vernet occupe noblement ses loisirs. Par exemple, il passe une heure tous les jours à la salle d'escrime. Il y fait la connaissance d'un jeune homme qu'il appelle un artiste parce qu'il ne connaît pas au juste sa situation sociale. Il le prend en amitié il l'amène chez lui. Bientôt le jeune homme apporte aux époux Vernet un petit paquet; c'est un livre. Un livre de vers dont il est l'auteur. M. Vernet a pour ami non plus seulement un artiste, mais un poète. Un poète M. Vernet, qui conçoit vaguement la supériorité des « intellectuels », ne se tient pas de joie. Un poète il ne le quittera plus. Justement, la famille allait partir pour les bains de mer le poète sera du voyage. M. Vernet ne saurait se passer le lui. Tout le premier acte est d'une vérité, en même temps que d'une précision de style, qui le mettent au niveau des comédies les meilleures de notre répertoire. Le second acte nous emmène à la mer. On devine facilement ce qui se passera dans la villa. Le jeune poète deviendra amoureux de Mme Vernet; il lui déclarera son amour. Mme Vernet n'est pas sans se sentir un peu flattée par les belles paroles du poète amoureux, mais c'est une honnête femme qui aime son mari. Elle lutte courageusement contre le penchant qui l'entraîne vers le jeune homme. Cependant, M. Vernet, averti par telle ou telle circonstance, comprend que la paix de son ménage court un danger. Alors et ici, après quelques longueurs et quelques indécisions, la pièce retrouve sa fermeté M. Vernet, malgré l'affection qu'il a pour son jeune ami, le prie de quitter la villa. Il ne reviendra pas de la promenade en mer pour laquelle il s'embarque. Au lieu de rentrer à la maison, le jeune homme poussera jusqu'au port voisin, d'où il partira pour Paris. Lorsque M. Vernet annonce la vérité à sa femme, celle-ci ne cache point sa peine, sa grande peine. « Il était temps », pense M. Vernet. Ce qui caractérise le talent de M. Jules Renard, c'est la netteté et la sobriété quelquefois, peut-être, on sent la recherche de ces qualités si françaises. Mais qu'importe? L'auteur se relie directement aux meilleures traditions de notre littérature, aux traditions classiques. Son œuvre domine le spectacle d'hier soir. Le personnage de M. Vernet est admirablement joué par M. Antoine. Le rôle de Mme Vernet est tenu par Mlle Cheirel, une actrice sûre et intelligente, mais qui n'est pas à sa place dans le personnage. M. Signoret accuse un peu semble-t-il l'indécision du caractère du jeune poète. Il n'y a que des éloges à adresser à Mlles Ellen Andrée et Mieris, de M. Degeorge. »

Publié dans Monsieur Vernet

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