INTRANSIGEANT

Publié le par LAURENCE NOYER

Edouard Beaudu : L’Intransigeant : 2 novembre 1907, A l’ occasion de l'élection de Jules Renard à l'Académie Goncourt, le 31 octobre « L’auteur des Histoires naturelles est un psychologue subtil. C’est aussi un paysagiste. Quelques pages de son œuvre. Voilà donc Jules Renard de l’Académie. Ce sont, hâtons-nous de le dire, ce sont les Dix et non les Quarante qui l’ont admis dans leur assemblée. Ecrivain rare et subtil, psychologue et peintre, Jules Renard connaît le cœur des femmes et l’âme des bêtes. Il scrute les unes et les autres avec une égale pénétration. Et son œil averti sait voir aussi la physionomie et, si l’on peut dire, l’état d’âme d’un paysage. L’écrivain si personnel pouvait, avec son précieux bagage littéraire, prétendre un jour, plus tard, siéger sous la Coupole. Mais le caractère indépendant de Jules Renard le disposait peu à voisiner avec certains des Quarante. Il s’est tourné vers les Dix et du moment qu’il posait chez eux sa candidature, on peut s’étonner qu’elle ait triomphé si difficilement. Du moins, le choix que l’Académie Goncourt a fait de Jules Renard est heureux. Le Vieux Connétable en serait content. En appelant à elle Jules Renard, l’Académie Goncourt, qui compte déjà des hommes de théâtre notoires comme Octave Mirbeau et Lucien Descaves, précisément parrains du nouvel élu, a rendu un hommage flatteur à l’art dramatique. Car Jules Renard, s’il est un maître écrivain, philosophe et romancier, est également un dramaturge averti. Trois pièces en un acte : Le Plaisir de rompre, le Pain de ménage, Poil de Carotte et un en deux actes : Monsieur Vernet, ont suffit à établir le talent dramatique du nouveau membre de l’Académie Goncourt. Poil de Carotte, c’est Jules Renard, raconté par lui-même. Le décor, c’est la maison rustique de Chitry-les-Mines dans ses moindres détails. La méchante Mme Lepic, M. Lepic, Félix, Etiennette sont tous des personnages pris sur le vif, là-bas, dans la Nièvre, dans ce pays où Jules Renard était, au meilleur moment de sa célébrité, si complètement ignoré que Poil de Carotte ayant été représenté au théâtre de Nevers, l’affiche mentionnait que l’auteur était enfant du pays, la salle fut presque vide ce soir-là. Jules Renard qui, dans sa jeunesse, écrivait sans cesse des vers, a voulu, porter à la scène un type de poète, poète entrant dans un milieu bourgeois et le quittant ; il nous a donné deux actes : Monsieur Vernet, qui furent représentés au théâtre Antoine le 6 mai 1903… Un détail amusant, sur Jules Renard, homme de théâtre. Il est grand admirateur de Mlle Marthe Brandès, on le sait. Aussi la charmante artiste possède-t-elle, en autographes, les compliments les plus flatteurs de cet auteur. – Dès qu’il regarde Marthe Brandès, l’œil de cet homme s’adoucit, a écrit Jules Renard sous sa propre photographie. Et de l’excellente actrice, il écrit de ci de là : - A cause de son cœur, un pli du corsage est plus droit que les autres… N’est-ce pas délicieux ? »

Publié dans Goncourt

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