MARTEL

Publié le par LAURENCE NOYER

Charles Martel : L’Aurore, 7 mai 1903 « Monsieur Vernet » « L’histoire de Monsieur Vernet, c’est le roman d’un brave homme. Bourgeois, généreux, riche négociant, heureux époux, Vernet a la passion de l’amitié. Une fois déjà, il avait hospitalisé un artiste, mais le peintre faisant le portrait de madame avait usé avec son modèle de procédés si hardis qu’on avait dû le mettre dehors. A présent, c’est d’un poète, du jeune Henri Gérard, assidu de sa salle d’armes, garçon sans le sou, qu’il s’est féru. Henri qui, parmi toutes les dissemblances possibles d’avec lui, se trouve avoir un goût commun, celui de l’escrime, le ravit et l’enchante. Il plait aussi à Mme Vernet qui, de plus haute culture que son mari, a enfin un interlocuteur digne d’elle. On emmène le protégé à la mer. On le loge à la villa, et c’est l’orgueil des Vernet de promener leur poète dans tout le pays. Henri se laisse faire, sous les réserves nécessaires à sa dignité. Mais un jour Vernet lui propose d’entrer dans la famille en épousant sa petite nièce, la jeune Marguerite, et comme Mme Vernet a très vivement répondu pour lui que ce mariage était impossible, il se croit autorisé à déclarer à la femme de son hôte l’amour qu’elle lui a inspiré. Mais Mme Vernet est une honnête femme. Elle prétend aimer son mari et prouve au moins aimer ses devoirs, car elle refuse tout espoir au poète. Cependant le mari qui, confiant, n’est pas aveugle a reconnu le danger. Il ne doute ni de l’ami ni de l’épouse. Mais l’ami doit partir. Dans quelques jours, un prétexte… Non ! Henri veut partir ce soir même. Il a une partie de pêche organisée. Il n’en reviendra pas. Cela fait une comédie d’exquise qualité. Les caractères et les sentiments y jouent leur jeu avec d’infinies délicatesses. On y admire dans une forme impeccable, marque de M. Jules Rnard, la plus savante graduation de nuances discrètes. Même, quelque attention est nécessaire au public pour saisir le secret de personnages qui ne se livrent point. Mais l’émotion du dénouement a gagné tout le monde, et le succès fut vif autant que distingué. Le type de Vernet est excellent, qui reste sympathique avec quelques touches d’ironie et maints détails comiques. Merveille d’observation, il trouve son digne pendant en Mme Vernet qui, si gentiment, lâche à se garer des dangers où l’expose un trop accueillant mari. Rien dans la pièce qui ne soit de valeur ; j’avance pourtant qu’au second acte, un peu long nous faire tort de certaines (illisible) ne ferait pas de mal à Monsieur Vernet. Antoine représente au vrai cette figure de vérité. On ne reprochera plus à l’admirable artiste de ne pas parler assez haut. Hier, il a joué d’un verbe à se faire entendre des pires sourds de la critique. MM. Signoret, Degeorges ; Mmes Cherel, Ellen Andrée, forment une de ces interprétations savoureuses, auxquelles nous habitue le théâtre Antoine. »

Publié dans Monsieur Vernet

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article